Bien ancré dans le paysage condruzien, le restaurant de Christophe Pauly offre une cuisine qui célèbre la saisonnalité avec une remarquable clarté. Le menu que les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique ont pu déguster était une démonstration de l’art d’aller à l’essentiel, une démarche qui révèle la maîtrise technique du Chef sans jamais tomber dans l’esbroufe.
Les « Intro » sont accompagnées de champagne Perrier-Jouët « Grand Brut. » La tartelette potagère s’impose comme un excellent prélude végétal, frais et direct, une explosion de betterave rouge. La pizza soufflée, oxymore culinaire, joue les entrées malicieuses, coussin d’air surmonté de burrata, de tomate concentrée, et de truffe d’automne râpée. Dans une corolle de verre orangé, le « petit pot de ouf, » au potimarron et speck, saupoudré de mimolette râpée, est un accord réconfortant, un classique de l’automne. L’alliance terreuse et sucrée du potimarron est électrisée par le sel et le fumé du speck. « La simplicité est la sophistication suprême » ; cet aphorisme attribué à de Vinci trouve une belle illustration dans cette dernière création.

La coquille St Jacques de Dieppe représente le premier temps fort du repas. La cuisson du mollusque est irréprochable, nacrée à souhait. L’association avec la crème crue et la verveine est un mariage réussi, la fraîcheur herbacée équilibrant la richesse du produit. L’intégration des palets d’huîtres apporte une salinité et une complexité iodée qui interrogent le palais. (Chinon, « Le Droit Chenin »)

Servi dans un bol de porcelaine blanche, le plat suivant est un hommage à la saison et aux forêts mettant bien en valeur cèpes et girolles. Au fond est l’élément qui surprend : une royale de haddock fumé à la texture soyeuse d’une délicatesse inouïe et au goût puissant. Dessus : champignons, jus et écume de champignons. C’est un contraste terre-mer audacieux et bien maîtrisé. (Rioja, « Ana de Altún », 2024)

Nous continuons avec un morceau de homard passé au feu de bois. La note fumée et torréfiée de la cuisson donne du caractère au crustacé. L’accompagnement est réfléchi : l’amertume du panais, le parfum zesté du yuzu et la profondeur fermentée de l’aubergine au miso forment une harmonie gustative qui soutient le homard sans l’éclipser. La réduction de carcasse lie l’ensemble avec densité. (Côtes de Provence, Château Gasqui, « Citius », 2024).

Avec le plat principal, présenté dans une grande assiette blanche au léger motif spiralé, nous revenons à l’ancrage local. Des noisettes de faon d’Ardennes sont accompagnées d’un contrepoint chromatique de trois quenelles végétales jaune, rouge-violacé foncé, et vert permettant à la finesse de la viande de s’exprimer. La qualité de la venaison est indéniable, et sa tendreté témoigne d’une belle sélection. La purée de céleri rave est anoblie par le croquant et le goût de noisettes du Piémont. Du chou rouge à la flamande apporte l’acidité et le sucre nécessaires pour trancher avec la richesse de la sauce infusée de génépi. Une quenelle de purée de haricots verts coiffée de salade frisée et de quelques oignons confits apporte une fraîcheur et une texture végétale bienvenue. Cet élégant plat de chasse est agréablement accompagné d’un élégant vin de Côtes du Rhône (Château La Nerthe, 2022).

Le dessert est un câlin gourmand qui s’inscrit dans la même recherche de justesse que les plats précédents. Une mousseline tiède au chocolat Guanaja, sombre et réconfortante est sobrement présentée dans une assiette de porcelaine blanche. Sa puissance aromatique est parfaitement équilibrée par la fraîcheur acidulée de la poire William, travaillée en fine gelée et sorbet. L’alternance des températures et des textures, notamment grâce à la note croquante d’un crumble de cacao, assure une finale à la fois gourmande et subtilement allégée (« Moss », Ferme Fuerrieri, Marche).
Nous concluons avec thés, cafés, digestifs, et « Peps » : le mélange pomme, oseille, yaourt et meringue aux herbes est vif et rafraîchissant. Le « BN » à la vanille et au citron vert et le sorbet à la violette sont des notes finales légères et pleines d’esprit.

Modeste, le Chef n’aime pas les applaudissements, ce qui ne nous empêche pas de le féliciter. Sa cuisine nous rappelle que la haute gastronomie n’a pas besoin de fioritures excessives et le menu est un récit saisonnier cohérent, porté par de justes associations de saveurs. Une table qui honore son terroir.
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