Le leitmotiv de l’invitation baudelairienne au voyage est particulièrement adapté à la nouvelle Maison Colette, auparavant maison de notables de Westerlo transformée de fond en comble grâce à des investissements colossaux. Style contemporain épuré pour la salle principale, décor inspiré de l’ancien château où travaillait Ana, l’arrière grand-mère du Chef, pour le salon où nous nous installons sur des fauteuils de velours grenat. Porcelaine ornée de papillons et d’oiseaux. Verres et chandeliers en cristal taillé. Fleurs de courgette en porcelaine blanche en décoration centrale. Musique d’ambiance éclectique. Menus originaux sous forme de bande dessinée.
Le Chef, dans sa tenue impeccablement blanche, vient nous saluer, nous explique avec passion son projet et nous présente le menu pendant que l’on nous sert un Champagne d’Hervé Dubois (Blanc de blancs grand cru). Le Chef reviendra plusieurs fois au cours du repas. Le rituel bien rôdé des mises en bouche commence : petites tartelettes aux poivrons et anchois ; pain plat croustillant imprimé d’échalotes et de thym ; velouté froid de tomates sur une gelée d’eau de tomate titillée de moutarde ; crème d’oursin avec quelques fèves ; raviole de porc dans un bouillon corsé.

À chaque plat son contenant en porcelaine sur mesure de Pieter Stockmans. Le tartare de veau coupé au couteau est servi sous une cloche marquée d’une tête de veau. Assaisonné de ciboulettes finement ciselées, il est généreusement couvert de caviar et semble flotter sur une crème aérienne au chou-fleur. La combinaison des trois éléments ravit les convives. On n’est pas sans penser au plat mythique de Joël Robuchon. Les grains iodés explosent en bouche et leur saveur s’accorde à merveille avec le chou-fleur, tandis que le veau se distingue par sa texture. Un vin blanc des Côtes de Bordeaux (Château Les Charmes-Godard, 2021) complète cette première entrée savoureuse.

Une assiette blanche ovale et bombée, au creux décentré, met en valeur un lingot de miettes de homard parfumé de ciboulette, d’estragon, de tomates confites et d’olives Taggiasche puis arrosé d’une huile au homard. Bol au bord épais marqué d’une queue de homard, pour des cappelletti fourrés au ricotta et aux épinards, accompagnés d’un tronçon de queue de homard et d’asperges blanches. Deux préparations très différentes en chaud-froid autour d’un très beau produit s’accordant admirablement avec un vin du Kremstal de la maison Salomon Undhof (Wachtberg Grüner Veltliner, 2022).
Nous poursuivons avec une tranche de bar de ligne cuit sur la peau devenue parfaitement croustillante et entouré de saveurs méditerranéennes : courgette grillée, compote de tomates, tomate confite, artichauts barigoule, citron, beignet de fleur de courgette, olive noire, basilic. Ce plat très gourmand est magnifié par un jus de tomate légèrement crémé, tellement délicieux que le Chef nous en apporte dans de petits verres colorés. On oublierait presque de boire le vin bourguignon de Joseph Colin (Les Hautes de la Combe, 2023).

Assiette renversée blanche décorée en creux d’un motif inspiré des herbes dont se nourrit le chevreuil, pour accueillir plusieurs tranches de tendre filet de brocard qui sont simplement accompagnées d’une cerise, d’une compote de cerises, de fèves, de petits pois, de girolles et d’amandes fraîches. Un plat sans complications où la viande « européenne » garde le premier rôle. Le plaisir est prolongé avec un vin du Château Carmes Haut Brion (C des Carmes, 2019).

Dernière touche salée : un fromage de chèvre « Aurélie » de la maison Karditsel de Lummen préparé sous forme d’une crème spumescente enrichie d’abricots et agréablement accompagné d’un riesling produit dans la région du lac Seneca par Hermann Wiemer (2022).
Enthousiaste, je félicite le Chef et demande les applaudissements habituels. Les convives s’exécutent avec plaisir, mais on me fait tout de même remarquer que ce n’est pas fini ! Et c’est le moins que l’on puisse dire…
Dessert de saison autour de la fraise et de la vanille : mousse de fraises en forme de fleur de dahlia, sur un flan à la fraise garni d’une brunoise de fraises et masquant une petite tranche de pain perdu. Une pointe de vinaigre balsamique incorporée dans la mousse électrise l’ensemble qui se trouve être un prélude à un magnifique chariot de tartes – chocolat, framboise, citron-meringué –, boules de Berlin, riz au lait, javanais, caramels, guimauves, pâtes de fruits, etc.

Deuxième salve d’applaudissements mérités tout autant pour le service très attentif que le haut niveau gastronomique.
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