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Le Chalet de la Forêt

Le Chalet de la Forêt

Ville : Uccle
Chef : Pascal Devalkeneer
Site web : https://lechaletdelaforet.be/
Date de la visite : 19 septembre 2025

Il est des adresses qui, avant même que l’on ne franchisse leur seuil, promettent l’exception. L’élégant Chalet de la Forêt, niché en lisière de la majestueuse forêt de Soignes, est de celles-là. Son cadre verdoyant, baigné par la lumière dorée d’un après-midi de septembre, offre une toile de fond idéale pour le repas des Membres du Club royal des gastronomes de Belgique auxquels s’est joint M. Loens, ancien directeur du Guide Michelin, qui vient de publier son livre « Anoniem aan tafel – Het gulzige leven van een Michelin-inspecteur. »

On nous propose de débuter par un Champagne Laherte Frères qui accompagnera plusieurs mises en bouche audacieuses, estivales, et délicates aux saveurs progressivement plus intenses : petits bouquets d’herbes du jardin liées avec un brin de ciboulette à tremper dans une crème légère agrémentée d’amandes effilées grillées ; petit pain soufflé parfumé de zestes d’orange ; feuille de sucrine comme une salade César généreusement coiffée de parmesan râpé.

Après cette belle entrée en matière nous sommes conduits sous la véranda où le Chef Pascal Devalkeneer vient nous saluer et où nous prenons place autour d’une longue table rectangulaire décorée de quelques gros galets colorés.

Une dernière mise en bouche nous est présentée comme une vichyssoise de courgettes. Au fond d’un bol de grès, sous un dôme d’une mousse éthérée subtilement parfumée à la verveine et poudrée d’un mélange épicé, on découvre un velouté froid de courgette. La chaleur du piment après chaque bouchée est éphémère mais apporte cette dimension nouvelle qui réveille les sens et équilibre la douceur végétale du velouté, comme une étincelle de surprise prolongeant le plaisir au-delà de la première dégustation.

Pour la première entrée, le Chef affirme sa maîtrise des produits nobles et des mariages osés. La ventrèche de thon, d’une texture fondante, est sublimée par une maturation au poivre de Kâmpôt, ce poivre cambodgien rare, aux notes florales et légèrement citronnées. Le choix d’associer des copeaux de foie gras fumé étonne mais leur onctuosité accompagne très bien la texture ferme des betteraves qu’enrobent parcimonieusement une sauce acidulée aux baies sauvages tandis que le thon apporte une salinité marine plaisante. L’accord avec le Riesling de Martin Nigl (Kremstal, 2016) est très judicieux : sa tension minérale et sa longueur en bouche épousent à merveille la complexité du plat, tandis que sa légère amertume finale nettoie le palais, préparant à la suite. On complimente le sommelier Jeno Del Turco.

Ventrèche de thon maturé au poivre de Kâmpôt, copeaux de foie gras fumé, betteraves aux baies sauvages (Nigl – Senftenberger Piri Riesling, Kremstal DAC 2016)

Le plat suivant célèbre la finesse des produits de la mer et la saisonnalité. Un filet de barbue délicat et fondant est mis en valeur par des cocos de Paimpol, ces haricots blancs à la douceur légendaire, des girolles au parfum boisé et des moules de Bouchot cuites à la perfection. On verse un jus de moules au Vadouvan, cette épice indienne aux accents de curry et de fenugrec trop rarement utilisée en haute gastronomie. L’équilibre entre la tendresse de la barbue, la rondeur des cocos, l’umami des moules et la chaleur envoûtante du Vadouvan compose une expérience gustative aussi riche qu’harmonieuse. Le Rioja Blanco d’Alberto Orte (« Antiguo Clásico », 2019) qui surprend par sa structure et sa complexité, enveloppe délicatement les saveurs du plat.

Barbue côtière, cocos de Paimpol, girolles et moules de Bouchot au jus de Vadouvan (Rioja Blanco « Antiguo Clásico » – Alberto Orte 2019)

Le plat principal, qui est l’occasion de discuter des différentes techniques de cuissons des viandes et notamment « à la goutte de sang, » s’articule autour du pigeon cuit sur son coffre, permettant une cuisson plus homogène et une meilleure conservation des saveurs. La viande, qui a bien reposé, est bien-sûr très tendre et juteuse. La cuisse a été confite et glacée. La diversité des accompagnements permet à chacun de composer ses propres associations de saveurs et textures avec la viande : polenta croustillante, cep à la poêle, feuille de betterave, cromesquis de pigeon, et figue à la flamme dont la touche de douceur et la complexité aromatique apportent une différence non négligeable. Mais c’est la sauce, soyeuse et riche qui galvanise ce plat. D’ailleurs, plusieurs convives n’hésitent pas à en redemander. Côté flacons, le Givry 1er Cru du Domaine Ragot (« Clos Jus, » 2020) est un choix audacieux. Le débat est lancé : bourgogne ou bordeaux sur le pigeon ? Finalement peu importe, ce pinot noir, encore jeune mais déjà d’une grande élégance, aux arômes de cerise noire, aux tanins soyeux et à la belle fraîcheur enivre idéalement ce plat de manière remarquable.

Pigeon cuit sur le coffre, polenta croustillante, figue à la flamme et champignons des bois (Bourgogne – Givry 1er Cru « Clos Jus » 2020 – Domaine Ragot)

Transition très raffinée avant le dessert : quenelle crémeuse au fromage de chèvre frais, saupoudrée de romarin frit, titillée d’une noisette de gel au citron, caressée d’une sauce au miel des ruches du restaurant.

Couleurs et formes automnales pour le dessert intitulé « 5C » : assiette émaillée couleur bordeaux liserée d’or et feuilles de vignes dorées. Ces dernières sont en chocolat noir amer et dissimulent une explosion de saveurs et de textures. Crème pâtissière, sorbet, mousse, fines crêpes. L’amertume de la chicorée et du café contraste avec le fondant du chocolat et du caramel, tandis que le cacao apporte une touche de profondeur. Chaque bouchée est une découverte, un équilibre entre douceur, amertume et acidité, que parachève admirablement le Madère de Francisco Albuquerque (« Maderista »), 20 ans d’âge, grâce à son côté oxydatif, sa douceur naturelle et sa fraîcheur. Un grand dessert !

Le 5C – Chicorée – Cacao – Café – Chocolat – Caramel (Madère – “Maderista” Blend 20 ans d’âge – António Albuquerque)

Le Chef refait son apparition sous les applaudissements habituels et j’ai demandé à M. Loens de faire un commentaire. Exercice qu’il exécute avec une grande facilité et tout en nuance.

Mignardises

Avant de nous quitter nous prolongeons les commentaires et achevons nos discussions autour de boissons chaudes et de pousse-café tout en jetant un dernier regard vers la forêt dont les ombres s’allongent doucement.

Le guide Michelin conclut sa description : « Au Chalet de la forêt, vous apprécierez une cuisine passionnée qui vous surprendra plus d’une fois. » Que dire de plus ?

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Le Chalet de la Forêt**, Brussels, Belgium (Chef: Pascal Devalkeneer)