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Club royal des
gastronomes de Belgique

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Activités du Club en 2024

16 mars 2024

Comme Chez Soi

Chef : Lionel Rigolet

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  Commentaire du président

Pour la dixième fois consécutive, l’Assemblée générale du Club royal des gastronomes de Belgique se déroulait au restaurant Comme Chez Soi. Après la réunion, les Membres se sont rassemblés dans la cuisine pour déguster un champagne Bollinger servi en magnum avec quelques mises en bouche légères et gouteuses dont une préparation au fromage bleu et fines herbes, des beignets d’huitre, ou encore un velouté de moules aux pickles.

Le ballet des plats commence avec un onctueux bavarois de carottes au cumin, chapeauté d’une crêpe croustillante en forme de fleur de pervenche stylisée. Il est déposé sur une brunoise de carottes multicolores croquantes, acidulée et entourée d’une sauce au cresson elle-même perlée d’huile au cresson. Cet ensemble frais et coloré aux saveurs subtiles, est accompagné d’un chardonnay de Stefan Meyer.

On continue avec un clin d’œil à un classique de la cuisine belge. Roses, jaunes et rouges-intense, des paires de petits cônes de betterave emplis de compotée de betterave sont couchés en cercle, formant une fleur sur un tartare « préparé » de betteraves que vient assaisonner une vinaigrette rose-pâle au cidre de Bruxelles. Quelques pommes paille complètent l’illusion. Les amateurs de betterave se régalent de cet ensemble aigre-doux, les autres se réconcilient plus ou moins avec cette racine malaimée.

L’intensification des saveurs continue avec une préparation autour de la coquille Saint-Jacques de Dieppe. Colorée et cuite sans excès, coiffée d’une julienne d’algues séchées, la noix charnue trône sur une raviole de coucou de Malines tachetée d’herbes hachées. Un consommé au curry rouge et à la coriandre galvanise ce plat aux saveurs équilibrées et complexes.

Intermède caritatif avec la visite d’un « Noiraud » maquillé aux couleurs de la Belgique et figure de proue de l’association bruxelloise créée en 1876 et aujourd’hui dénommée « Œuvre royale des berceaux Princesse Paoloa ».

Dernières truffes de l’année. Ravioles farcies de champignons saucées de coulis de céleri-rave fumé, enrichies de gruyère râpé et fondant, généreusement parsemées de julienne de truffes noires. L’un des serveurs passe avec une grosse truffe et une mandoline pour ajouter un voile noir supplémentaire sur chaque assiette. L’odeur est enivrante. La dégustation jouissive se fait en silence avec un vin de grenache et carignan du Domaine Boucabeille (« Le bon sauvage »).

Suprême de pigeon de Vendée à la cuisson horlogère frôlant la perfection. Il est couvert d’un manteau de pistaches concassées et de dés de pleurotes de panicaut offrant ainsi un agréable jeu de textures en bouche. Un boudin des cuisses bien assaisonné l’accompagne, et, sur une assiette à part, une construction méticuleuse de chicons à la flamme, de radis croquants en éventail, et de rouleaux farcis de pigeon et de pistaches. Un plat riche et équilibré aux saveurs multiples, enivré d’un Château la Lagune (2016).

Conclusion en trois temps autour du café. Au creux d’une assiette de verre, soyeuse crème vanille modelée sur des grains de café et mouillée de café à la dernière minute. Séparément, sur une assiette brune ondulée au motif granuleux, délicieux et aérien tiramisu de forme ovale entouré d’un fin ruban de chocolat noir. Et enfin des bouchées croquantes-fondantes au café vert à l’allure étonnante, quasi-psychédélique : des cubes blancs en beurre de cacao fourrés de ganache servent de piédestal à une crème au café en forme de goutte vert-amande piquée de taches oranges et de feuilles d’or.

Le Chef et son épouse nous rejoignent, accompagnés de la « cinquième génération. » Après les applaudissements habituels, je fais remarquer dans mon commentaire l’extraordinaire longévité de ce restaurant, qui, depuis près d’un siècle, a su traverser les modes culinaires, surmonter les opinions changeantes des guides, mais surtout combler les exigences de milliers de clients venus du monde entier.

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25 février 2024

Alter

Chef : Jo Grootaers

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  Commentaire du président

Il faut faire attention pour ne pas manquer cette ancienne école de village reconvertie en restaurant à l’approche de Tongres. Le très jeune Chef Jo Grootaers y a établi son restaurant. Nous sommes accueillis par une équipe affable et tout aussi jeune, qui nous conduit au fond du restaurant dans un salon, très haut de plafond, illuminé de lumière naturelle et où nous attendent deux grandes tables rondes de bois, chacune sous un immense abat-jour.

Avec du Champagne Marguet millésimé (Yuman 19), d’accortes serveuses nous présentent deux élégantes mises en bouche au motif floral : rouleau de betterave au foie gras ; galette de polenta, tartare de bœuf et carottes. Elles continuent avec de petites croquettes, puis une chaudrée aux moules. Le pain d’épeautre et de seigle est présenté avec un beurre salé et un autre au fenouil. Un départ très agréable sans fausse note laissant les convives impatients pour la suite.

La première entrée, au centre d’une assiette blanche au motif solaire, allie la sériole du Japon de Zélande et l’anguille fumée. S’opposant à quelques rondelles croquantes de radis blanc, la sériole tendre et souple, tapissée d’épices douces et de graines, absorbe les saveurs d’un bouillon doux et se mêle en bouche avec la saveur fumée de billes d’anguille glacées ajoutées une fois l’assiette déposée. On en redemanderait presque. Le sommelier propose une Vinho Verde (Asnella 2022) pour l’accord.

Nouvelle assiette blanche au motif solaire, mais creuse, pour accueillir un morceau de cabillaud de Norvège (« gadus morhua » que certains préfèrent appeler par le nom norvégien de « skrei »), dissimulé sous quelques feuilles de poireau et de pourpier, ainsi que des « tagliatelles » de calamar. Une beurre-blanc au combava, perlé d’huile infusée des feuilles de l’agrume, termine l’ensemble de nuances blanches et vertes. Remarquable texture du calamar, ressemblant à celles des pâtes « al dente, » cuisson exemplaire du poisson offrant des feuillets onctueux que l’on imbibe généreusement de sauce sublimée par la note de combava. Un grand plat enivré de Riesling Karthäuser (Weingut Tesch, 2019)

Sur quelques fragments onctueux de pied de cochon, imposante noix de Saint-Jacques bien dorée chapeautée de trompettes de la mort, de truffe noire (melanosporum dont un spécimen nous est présenté en salle par le Chef) et de noisettes torréfiées concassées. Sauce mousseuse au goût intense de champignons. En magnum un Albarinho (Pazzo de Rubianes 2018).

La langoustine de Guilvinec, parée d’écailles de potiron ferme, et déposée sur une délicieuse compotée de potiron assaisonnée de yuzu koshō, complète une série de trois entrées sur les nuances de couleurs : après le vert, le brun, voici l’orange, au centre d’une assiette anthracite pour accentuer l’effet dramatique. On regrette l’intensité de l’assaisonnement nippon, un peu trop intense pour la délicate langoustine. Coté expression liquide, on voyage en Côte d’Or : Auxey-Duresses (Domaine Diconne, « Terres Folles » 2019).

Le bœuf « Black Angus, » en provenance des antipodes, est accompagné d’une grosse tête des premières asperges vertes de Loire, d’une succulente composition croquante-onctueuse de topinambour, d’une petite échalotte fondante, de moëlle fumée et complétée par un jus légèrement gélatineux dans lequel j’aurai plaisir à tremper mon pain plusieurs fois. Présentation impeccable et plutôt géométrique. Un Crozes Hermitage (« Les Hauts Granites » 2022, J. Buoton) électrise le plat.

Conclusion en trois parfums bien équilibrés – agrumes (orange et pamplemousse), chocolat, café – deux couleurs chaleureuses – jaune-orangé et nuances de brun – multiples textures et en deux compositions. Sur une assiette : sphère brillante couronnée de biscuits en forme de branche d’olivier, cœur crémeux et fruité, sauce à l’orange perlée de d’huile vanillée. Au creux d’un bol, sur des biscuits chocolatés concassés, sorbet cacao et disque de chocolat pulvérisé d’or. Un sans faute qui fait presque oublier le Maury pourtant bien en accord (Marc et Caroline Barriot 2022).

C’est le moment de commenter le repas en présence du Chef. Les mots sont élogieux tout en suggérant quelques améliorations possibles. Les applaudissements laissent présager un retour prochain.

Avant de passer à la cérémonie du thé accompagné de mignardises, l’un des Membres nous offre un vin de porto blanc (R. Steenacker & Co) provenant de sa cave. La belle couleur caramel trahit l’âge très vénérable du vibrant breuvage élaboré en 1937. Voilà comme on aime terminer ces moments de partage et de communion gastronomique au Club.

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26 janvier 2024

Menssa

Chef : Christophe Hardiquest

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  Commentaire du président

Une métamorphose, une renaissance plutôt, s’est opérée depuis que le Club royal des gastronomes de Belgique a remis à Christophe Hardiquest le Prix Cristal 2014. Le Chef a en effet développé un nouveau concept pour son restaurant désormais appelé Menssa. Il se tourne vers un futur qu’il envisage durable et en lien avec la nature. Dès l’arrivée, le décor d’inspiration sylvestre que prolonge le jardin, apaise.

Nous nous installons autour de quelques sections de troncs d’arbres sur une confortable banquette évoquant un tapis de mousse et en partie chauffée par les rayons du soleil. Nous revoyons avec plaisir une Membre romaine. La conversation s’anime. Un magnum de vin de Champagne Bollinger est servi, rapidement suivi de mises en bouche originales. Cornets de veau aux câpres présentés au creux de soliflores blancs et bleu-intense en forme de main. Beignets tièdes et légèrement croustillants oints de crème aux oignons et parsemés de graines torréfiées. Délicieuses gougères au céleri rave.

Passage à table.

Assis sur de hautes chaises de velours vert autour d’un comptoir de bois satiné cernant la cuisine, les Membres du Club et leurs invités sont au premier plan de la création culinaire. Dernière mise en bouche à l’équilibre de saveurs remarquable : velouté de betterave rouge et glace à la moutarde.

Le défilé culinaire commence, apporté par les cuisiniers eux-mêmes. Le sommelier présente au fur et à mesure ses trouvailles parmi les quatre-cents références du restaurant et propose aussi des boissons non-alcoolisées originales « maison » pour des accords très réussis.

Honneur aux produits iodés d’abord, avec, au creux d’une feuille de verre rappelant celle d’un ginkgo, un carpaccio de douces noix de coquilles St-Jacques, enrichi d’un crémeux savamment dosé aux huîtres de Zélande. Des œufs noirs et rouges de poisson et quelques feuilles de mertensie maritime vivifient l’ensemble sans écraser la St-Jacques.

Surprise du Chef qui semble savoir lire dans les pensées de ses clients : il aplatit du pain de mie au rouleau à pâtisserie, le recouvre généreusement de lamelles de truffes noires, puis de quelques champignons de Paris, ajoute une couche d’un mélange crémeux à la mélano, retourne cet ensemble sur un autre similaire, puis débite en petites portions. Résultat : de sublimes petits sandwiches odoriférants et goûteux !

Le plat suivant est remarquable par son jeu de textures et sa balance de saveurs délicates de coco et de topinambour électrisées par une pointe de toum libanais (sorte d’aïoli). Sous forme d’onctueux savarin pour la première et de lisse pommade pour la seconde, ces saveurs mettent en valeur un fin tartare d’encornets faiblement citronné et à la granulosité très plaisante.

Suit un plat végétal, source d’une explosion gustative. Sous quelques lamelles de champignons de Paris bruns se cache une préparation très moelleuse d’oignons doux. Celle-ci est simplement flattée d’une sauce intense aux cèpes piquée d’un jus d’ail rôti. Un plat emblématique ! Il est suivi d’un foie gras poêlé et chou vert dans un bouillon de pot au feu, sublimé par un gel de coing et yuzu. Puis d’un rouget grondin parfaitement cuit au feu de bois avec une sauce au vin rouge et un aïoli d’ail noir. Une belle transition avant le « plat principal » de cette progression croissante de saveurs pleines et profondes imaginées par le Chef.

Dégageant des effluves très agréables, de longues et fines tranches, roses à cœur, de canard colvert rôti au sucre muscovado et vieux rhum. Elles sont accompagnées d’une purée de pomme de terre au pecorino fumé et d’un salmis des abats bien assaisonné et électrisé de quelques feuilles de d’estragons.

Petite pause et discussion avec le Chef et les autres convives, avant le dessert.

Dans une bonbonnière de porcelaine blanche en forme de figue, chacun découvre une écume d’orange enveloppant un sorbet au cumin. Une association d’une grande fraîcheur et légèreté, tout aussi étonnante que sublime, grâce à un parfait dosage de l’apiacée.

Conclusion avec des saveurs chaudes et piquantes de pain d’épice, de caramel, de vanille, de mandarine et de gingembre, et une construction mordorée de textures croquantes et onctueuses. Une satisfaction sereine.

Même si l’envie y était, pas d’applaudissements cette fois de peur de gêner les autres clients avec qui nous partageons le comptoir. Beaucoup de compliments en revanche.

Retour sur le « tapis de mousse » initial pour quelques digestifs et afin d’échanger ses impressions. Mais le temps passe vite en bonne compagnie… Il faudra revenir.

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