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Club royal des
gastronomes de Belgique

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Activités du Club en 2023

9 décembre 2023

Boury

Chef : Tim Boury

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  Commentaire du président
Pour conclure une année gastronomique faste, des Membres du Club royal des gastronomes de Belgique et leurs invités se sont retrouvés dans le restaurant Boury de Roeselare que certains avaient découvert onze ans plus tôt.

Quel chemin parcouru par le Chef Tim Boury qui est aujourd’hui à la tête d’un des meilleurs restaurants du Royaume !

Salle privative très confortable entre baie vitrée donnant sur le jardin d’un côté, et les cuisines que l’on aperçoit à travers une fenêtre côté opposé. Sous les 3 étoiles Michelin affichées en cuisine on lit un rappel à la Brigade : « responsibility. »

L’accueil est impeccable, même si Inge, la charmante épouse du Chef, est absente ce jour-là. La brigade de salle est élégamment vêtue. Une musique moderne et discrète crée une ambiance jeune et vivante. Pendant qu’un champagne de Simon Rion (« Originel » brut) est servi, le Chef, amical et souriant, vient saluer chacun des convives – attention qui mérite d’être soulignée. Le diplôme du Club remis au Chef en 2017 est mis en évidence. Autre délicate attention remarquée par des Membres. Nous profitons de la présence d’un écran géant au fond de la salle pour afficher quelques photos des manifestations passées du Club, certaines datant des années 1980.

Passage à table et lecture du menu. Le ballet de sept mises-en-bouche confirme la créativité et la précision du Chef et donne le ton du déjeuner. Difficile de choisir une préférée tant elles sont uniques. Les moules parquées à la livèche, souvenir de la Foire du Midi ? Peut-être ce velours de choux pris entre deux lames croustillantes de parmesan, avec une pointe de moutarde ? À moins que ce ne soit ce remarquable velouté de salsifis aromatisé de xérès ? Et si c’était tout simplement ce « pain » aérien à partager de pâte-levée-feuilletée ? Peut-être eût-il fallu une repasse pour se décider !

Le Sommelier Mathieu Vanneste qui avait déjà su nous éblouir lorsqu’il travaillait dans le restaurant de Peter Goossens, présente le premier vin d’une longue série mûrement réfléchie qui accompagnera le repas. On part sur le Portugal pour de la sériole du Japon déclinée de deux façons. D’abord avec un subtil équilibre de saveurs de radis et de prune fermentée, un délicat dosage de douceur et d’acidité complétant la texture ferme et douce de la sériole. Ensuite, dans une tartelette d’une extrême finesse, avec un très agréable croquant-fondant en bouche.

Encore humide des eaux bretonnes où elle nageait encore la veille, cuite avec une perfection horlogère – gageure réussie considérant le nombre de convives –, servie dans une assiette brûlante, arrive une langoustine charnue, surmontée de navet de feuilles de brocoli-rave et d’un croustillant pain soufflé. Elle est humectée d’un jus épicé au goût intense de langoustine. Un riesling de Léon Beyer (« Réserve », 2020) enivre ce plat. Une seconde préparation de langoustine est présentée dans un œuf blanc strié en porcelaine. La langoustine crue, en petits morceaux, y est mariée au chou-fleur, salée de katsuobushi (bonite séchée fumée) et discrètement aromatisée de basilic. Le sommelier propose un intéressant vin espagnol (Masroig, « Les Sorts » 2021).

De grosse taille, sortie de sa coquille il y a quelques heures, ferme et élastique, colorée sur les faces, translucide à l’intérieur, une superbe noix de Saint-Jacques de Dieppe, est acoquinée avec un rouleau de poireau, enrichi de lardo di colonnata. L’union est consacrée avec une sauce à base des barbes, pimentée avec un condiment coréen (gochujang) sans pour autant écraser la douce saveur de la Saint-Jacques. Sur ce plat intense, le sommelier avait choisi un vin de la Côte d’or du domaine Bachelet-Monnot (2020) qui apportait une agréable fraîcheur en contraste avec la sauce.

L’ouverture d’une jarre de verre emplie de grosses truffes blanches d’Alba dont le parfum puissant, musqué, et ailé, se répand rapidement dans la salle, annonce l’arrivée d’un plat automnal et végétal. Compotée d’endives légèrement sucrée et amère, tranche confite et caramélisée de topinambour, feuilles fraîches, croquantes, et amères de trévise, noisettes torréfiées du Piedmont, feuille d’érable succédanée translucide. L’ensemble est humecté d’un jus végétal doux, et recouvert de lamelles de truffe. Les nuances de textures et de saveurs originales sont sublimées par un vin vieilli oxydatif de la maison Fernando de Castillo (Palo Cortado).

On apporte alors une boîte de bois, dans laquelle on découvre une forêt miniature de mousse, de pommes de pin et de branches d’épicéa dissimulant une selle de chevreuil des Ardennes rôtie. L’effet théâtral est garanti. Quelques minutes plus tard la viande revient présentée dans des assiettes blanches, avec quelques crosnes, têtes de petites girolles persillées et des tranches de betterave jaune. Le jus de viande est enrichi d’une sauce émulsionnée et mousseuse au sarrasin. La viande est exceptionnelle du fait de son goût, sa cuisson, et sa tendreté. Avec cela, le sommelier proposait deux vins très différents, dont on ne retiendra que celui de Stéphane Derenoncourt (Château Le Pin Beausoleil, 2010).

Alors que certains optent pour une sélection de fromages, les autres reçoivent un premier dessert léger et rafraîchissant sur les agrumes : mandarine, kumquat, et calamondin. Acidité et amertume remettent presque en appétit pour tout recommencer. En conclusion une crème au spéculoos en forme d’anneau dont le centre est empli de baies acidulées d’argousier et de dés légèrement sucrés de butternut, et servant de support à une quenelle de sorbet. L’ensemble est complété par un vin ambré de Rivesaltes (Régis Boucabeille, 2018).

Le Chef refait son apparition sous les applaudissements habituels. C’est le moment de faire un commentaire pour conclure ce repas mémorable sans faute, dans une ambiance amicale et festive, facilitée par l’accueil chaleureux, le tempo moderato régulier, le service synchrone des assiettes, la grande qualité des plats, et cette impression simple d’être choyé.

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18 novembre 2023

Dîner de gala du 40e anniversaire de l'Académie internationale de la gastronomie

Chefs : Kamal Mouzawak, Kosuke Nabeta, Manu Buffara, Stéphanie Le Quellec, Tommy Myllymäki, Joan Roca, Yannick Alléno, Boby Lo

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  Commentaire du président

Le 18 novembre 2023, plusieurs Membres du Club royal des gastronomes de Belgique ont participé à la célébration du quarantième anniversaire de l’Académie internationale de la gastronomie (A.I.G.), dont le Club est membre depuis 1996. Celle-ci était organisée dans les prestigieux salons de l’Hôtel de Ville de Paris.

Dans l’après-midi, l’A.I.G. avait organisé une conférence sur l’évolution de la gastronomie au 21ème siècle. La conférence s’articulait autour de trois thèmes actuels et était modérée par Laurent Guez, Directeur éditorial Food, du Groupe Les Échos-Le Parisien.

Le soir les convives, en tenue de soirée, sont retournés à l’Hôtel de Ville pour un grand dîner de gala.

Arrivée par temps maussade au 3 rue de Lobau. Un tapis rouge conduit aux premiers escaliers et au vestiaire. Quelques mètres de plus pour atteindre l’un des magistraux escaliers d’honneur menant à l’opulente Salle des Fêtes de ce bâtiment du 19ème siècle. De charmantes hôtesses attendent les convives, et naviguent avec rapidité à travers la très longue liste de noms pour indiquer le numéro de table. Dans un salon intermédiaire, des étudiants de Ferrandi Paris attendent les convives avec des magnum de champagne Laurent-Perrier bien frappé. Ceux qui le souhaitent peuvent passer devant un photo-call listant la dizaine de Chefs intervenant lors de la soirée et les nombreux partenaires ayant généreusement soutenu l’événement, afin de se faire photographier par une photographe professionnelle.

À droite, on devine dans le rutilant salon Georges Bertrand, les cuisines temporaires. Les chefs du renommé traiteur parisien « Potel & Chabot » et des élèves de l’école de gastronomie et de gestion hôtelière « Ferrandi Paris » sont affairés. Il convient de saluer le minutage de précision quasi-horlogère avec 25 à 30 minutes entre chaque plat.

À gauche, derrière un portique habillé de tentures bleu pâle et dorées, on découvre les dorures de l’éblouissante Salle des Fêtes de l’Hôtel de Ville. Longue de 50 mètres, celle-ci a été partitionnée afin de pouvoir prendre l’apéritif dans le premier tiers. Là, plusieurs buffets sont à disposition des convives qui peuvent y découvrir différentes bouchées réconfortantes.

Le Chef libanais Kamal Mouzawak propose, en petites portions individuelles, une galette typique de la cuisine levantine, une man’ouché au zaatar, avec laquelle certains ont choisi de prendre un verre de vin rouge du Château Ksara (« Cuvée du Troisième Millénaire, » 2018). Le Chef japonais Kosuke Nabeta, quant à lui, propose des mises en bouche à travers lesquelles il souhaite évoquer un jour exceptionnel (haré). On peut apprécier avec elles, un saké de la maison Takeno (Cuvée IN/EI – “IN” correspond à la grue, et “EI” au 5 ailes d’un yokai, créature imaginaire du folklore japonais). La Cheffe brésilienne Manu Buffara joue dans le registre des couleurs et des contrastes de textures avec une feuille de shiso frite servant de support à de fines tranches de daurade réhaussées de poivron doux. La famille polonaise Antonius a fait installer un bar à caviar de sa production. Les convives y sont servis sur le dessus de leur main à la base du pouce. Enfin la fromagerie suisse De Bleu!, a installé un somptueux buffet de fromages suisses provenant de sa sélection de plus de 200 fromages.

Vers 20h, les convives sont priés de passer à table. Chacun trouve son nom calligraphié sur de petites cartes. Les tables rondes, au nappage blanc tombant jusqu’au sol, présentent une collection impressionnante de verres au buvant doré, les assiettes, elles aussi, sont liserées d’or, et au centre de la table, trône une tourte de pain de la maison Poilâne, décorée d’épis de blé et d’une plaque au nom de l’A.I.G.

Vers 20h15, je prends ma casquette de Président de l’A.I.G. et monte sur l’estrade pour souhaiter la bienvenue aux 260 convives venus de près de vingt pays différents, pour leur rappeler l’importance et les bienfaits de la gastronomie et pour leur signaler les points importants du Manifeste pour une gastronomie du 21ème siècle, lancé le jour-même par l’Académie. Les « Grand Prix de l’A.I.G. 2023 » sont ensuite remis à plusieurs personnalités dont le Chef Arnaud Donckele, le Maître de Salle José Polo, le Professeur Pedro Graça et la collection encyclopédique Bullipedia. Les discours s’achèvent avec une présentation du menu en cinq temps et avec un toast au baijiu de la maison « Moutai » qui nous invite à saluer, non pas une, mais trois autres personnes.

Les convives reçoivent de la baguette façonnée par le boulanger sri lankais Tharshan Selvarajah. Celle-ci a été élue meilleure baguette de Paris en 2023. Bien alvéolée, croustillante à souhait, elle accompagne des huiles d’olives d’Espagne (Castillo de Canena). Des petits bols de feuilles du jardin d’Alain Passard sont aussi apportées.

Le bal commence avec un pain perdu au caviar, plat emblématique de la Cheffe Stéphanie Le Quellec qui a quitté sa table pour aller prêter main forte en cuisine. Un cube formé de brioche, fourré d’une purée de pommes de terre aérienne, passé à la plancha afin de le rendre croustillant, est couvert d’un épais chapeau carré de caviar. Sur le côté, une sauce mousseuse et acidulée, quelques feuilles de mertensie maritime et quelques coques, complètent cet ensemble à la fois simple et sophistiqué, léger et gourmand, que vient électriser du Champagne Laurent-Perrier « Grand Siècle » (itération 26).

Arrive au creux d’une corolle blanche une quenelle blanche, saupoudrée de pollen de fenouil, d’alysson doux et de « truffe de mer. » Derrière le simple mot de quenelle, derrière ce lien avec la cuisine traditionnelle lyonnaise, derrière un plat a priori sans prétention, nous découvrons quelque chose de vraiment remarquable. Une texture douce, soyeuse et élastique de coquilles Saint-Jacques contrastant avec un surprenant cœur granuleux et marin de crabe et de caviar, rehaussé d’un beurre blanc légèrement acidulé à base de jus de tomate fermenté et de chair de crabe royal, ocellé de gouttes intensément vertes d’huile aux tagètes et épinards. Un plat enivré par un Beaune Grèves 1er cru de la maison Louis Jadot (« Clos Blanc » 2018) d’une grande finesse.

La dernière entrée est un plat légendaire du Chef Joan Roca. Il nous transporte dans le port de Palamós, non loin de Gérone où le chef a établi le fameux « El Celler de Can Roca. » Le chef a d’ailleurs apporté les crevettes à texture légèrement ferme et à la saveur prononcée formant la base du plat lui-même. Marinées dans un vinaigre de riz, celles-ci étaient inaltérées et magnifiées par une sauce au goût intense à base des têtes. Quelques extrémités croustillantes à la saveur concentrée apportaient une touche croquante bienvenue tout. Un riesling du domaine Léon Beyer (« R de BeyeR, » 2015) complétait à merveille le plat.

Pour le plat principal, les Chefs Yannick Alléno et Bobby Lo se sont prêtés au jeu d’un quatre mains afin de créer un plat original autour du classique filet de bœuf. La viande d’une tendreté exceptionnelle, était couverte d’une crêpe à la fois épaisse et légère, et de quelques feuilles de pourpier. La sauce d’apparence classique, brune et doucereuse, ne se révélait qu’en bouche, nous transportant immédiatement en Chine grâce à sa saveur caractéristique. L’association franco-chinoise du plat continuait dans les verres avec un cru classé de Pauillac (Château d’Armailhac 2014), servi en magnum, et un autre baijiu (Moutai, Collection Littérature et Culture).

Pour accompagner une tarte à la vanille de la pâtisserie Hermé, une bouteille de Cognac Camus (Collection privée Légion d’honneur) était distribuée sur chaque table. L’association quasi-parfaite concluait le repas en beauté.

Avant de terminer cette soirée exceptionnelle, les Chefs, les partenaires, les Lauréats des Grand Prix et des Membres de l’A.I.G. me rejoignent sur scène pour accueillir une pyramide de macarons au chocolat, marquée du nom de l’A.I.G., et pour faire une « photo de famille » unique.

Inoubliable !

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21 octobre 2023

Hof van Cleve

Chef : Peter Goossens

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10 septembre 2023

La Table de Maxime

Chef : Maxime Collard

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  Commentaire du président

La route est longue pour aller jusque Paliseul, mais les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique savent qu’elle en vaut la peine, et le verre de champagne Bollinger servi à mi-chemin dans l’autocar aide à patienter. Depuis leur dernière visite cinq ans plus tôt, le restaurant du Chef Maxime Collard a été agrandi d’une salle moderne dans le prolongement de l’ancienne, dans le même cadre enchanteur du jardin et de la forêt ardennaise.

Mises en bouche mettant en valeur des produits de la région comme cette fine crème de mozzarella locale, sous des filaments d’épinards, servie dans une petite coupe de verre pour le plaisir des yeux, ou encore, comme ce potage froid de carottes, sous un voile éthéré de fromage appelé « Œillet du château, » une combinaison douce et salée à l’équilibre délicat.

Première entrée de sériole du Japon et tomates en deux préparations aux couleurs vives. Au creux d’une grande assiette blanche discrètement ajourée sur son pourtour, fondant morceau sériole saisi sur l’extérieur puis tranché, et accompagné d’une délicate gelée de tomates incrustée de pétales de fleurs et d’un mélange de dés de tendres tomates et croquant fenouil. Une feuille de mertensie maritime apporte un goût marin supplémentaire à l’ensemble. Dans un bol à part, le poisson est décliné en tartare bien assaisonné, sous un sorbet à la tomate. Le contraste des textures et températures de cette préparation très goûteuse est remarquable. Le sommelier propose un pouilly fumé (Domaine Denizot, 2012), vif et rafraîchissant.

La deuxième entrée nous transporte dans le Sud avec un filet de rouget à la peau écarlate légèrement croustillante, une lisse compote de courgettes, une fleur de courgette frite, quelques olives Taggiasches très parfumées et quelques pointes de gel de citron. Une sauce choron mousseuse et un jus de bouillabaisse enrichissent le plat que vient enivrer un vin rosé gourmand et frais de Corse (Yves Leccia, 2022), complétant ainsi le tableau méditerranéen.

Nous continuons avec du homard bleu décliné en deux préparations. D’abord au creux d’une assiette floriforme : tronçon de la queue du crustacé flanqué de cerises au rouge très sombre, emplies de crème d’amande. Un lait au géranium vient humecter l’ensemble. L’originale association marine et florale déconcerte certains qui lui préfèrent le goût de homard inaltéré de la seconde préparation : dans un petit bol à part, sous une rosace croustillante, et une mozzarella mousseuse, les pinces, en petits morceaux liés d’une sauce parfumée d’une réduction de homard.

Avant de passer au plat principal, nous recevons un mets « signature » du chef. Onctueux ris de veau sous une croûte de mie de pain et quelques lamelles de melanosporum d’Australie au parfum caractéristique, accompagné d’artichaut violet. À part, on trouve une feuille charnue de camus garnie de ris et truffe. Chacun reçoit un petit pot de sauce béarnaise à la truffe. Un plat riche aux saveurs réconfortantes et équilibrées, galvanisé par un vin des Allobroges (domaine Adrien Berlioz 2020).

C’est le moment des filets du pigeon d’Anjou cuits dans les règles de l’art, une cuisse confite dont la chair se détache sans effort, une petite raviole des abats très goûteuse, quelques côtes de blettes rouges et une aubergine fondante. Le jus au curry vert apporte une touche originale à ce plat axé sur une déclinaison d’un produit de grande qualité, et que le sommelier a judicieusement choisi de marier avec un givry (Domaine Ragot, 2020).

Dessert en deux temps. D’abord, melon charentais et pastèque imbibés d’un jus discrètement parfumé à l’hibiscus : un délicat disque de meringue confère une note croquante et un jurançon moelleux (Jean-Bernard Larrieu, 2021) à la belle couleur d’or, enivre l’ensemble. Ensuite, myrtilles fraîches et juteuses, crème au chocolat blanc onctueuse, sorbet verveine rafraîchissant.

Le Chef fait son apparition, sous les applaudissements mérités, pendant que l’on sert cafés, thés, et mignardises gourmandes. Mes commentaires sont louangeurs.

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21 juillet 2023

Cuchara

Chef : Jan Tournier

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  Commentaire du président

En ce 21 juillet 2023, loin du défilé militaire, plusieurs Membres du Club royal des gastronomes de Belgique se sont retrouvés à Lommel dans le Nord du Limbourg, au restaurant Cuchara, afin de remettre le Prix Cristal du Club au Chef Jan Tournier.

Le décor de la salle du restaurant est minimal : murs noirs, tables noires, fauteuils de cuir noir aux accoudoirs de bois caramel, touches vertes de quelques bonsaïs, grande baie vitrée donnant sur le jardin. Nous nous asseyons autour d’une grande table oblongue dans un salon privatif un peu plus lumineux au premier étage et trinquons à la Belgique et au Roi avec un champagne d’Henri Giraud (« Blanc de Craie, » blanc de blancs).

Un ballet de dix constructions culinaires commence. Leurs noms, repris sur le menu, sont énigmatiques : seul l’ingrédient principal est indiqué.

Au creux d’une assiette de grès gris clair, tomates cerises mondées sous une grappe de billes gélifiées couleur rubis, sur lesquelles on verse un dashi aigre-doux dont la surface s’orne de taches vertes d’une huile infusée à la coriandre déjà présente aux fonds des assiettes. L’équilibre des saveurs est particulièrement réussi et donne les meilleurs espoirs pour la suite du repas.

Sur un bol retourné, tartelette de pain d’épice emplie de foie gras crémeux, et surmontée de dés d’anguille acidulée de yuzu et ponzu, pris entre deux disques croustillants. Jeux de textures très agréables dont on fait une bouchée, pour révéler une à une les différentes saveurs.

Sur un piédestal de bois, tartelette au nori, morceau glacé de joue de veau confite, truffe noire d’Australie, et buisson d’algue. Chaque élément contribue à l’élaboration d’un goût agréable et indicible.

Une pochette de cuir alezan contenant des couverts est distribuée à chaque convive.

Surprise portant à onze le nombre de dégustations. Parallélépipèdes découpés dans une stratification de pommes de terre, de pancetta et de comté. Cet assemblage, fruit d’une réflexion sur la texture, reste dans la lignée des précédentes compositions, mais ses saveurs, ancrées dans plusieurs plats traditionnels, montrent que le Chef n’a pas oublié ses bases de cuisine classique apprises à l’Hilton d’Anvers.

Coiffé de ciboulette ciselée et d’œufs de truite, cylindre de saumon mariné pendant deux jours dans de la levure de ris rouge puis cuit lentement à 41 degrés afin d’atteindre une texture exceptionnellement fondante, que ponctuent les œufs éclatant en bouche. La wasabi bien présente galvanise le plat tandis que la béarnaise de vins blanc et jaune, le tempère. Je n’ai pas retrouvé le chou-fleur de mer (leathesia difformis ?) annoncé par le serveur, peut-être n’était-il pas indispensable.

Derrière un nuage de fumée de neige carbonique se dissipant rapidement, cernée de pois-chiches soufflés, une nouvelle construction turriculée sous un toit croustillant d’algues vertes parsemé de poudre d’huîtres, bousculant un grand classique des brasseries du Royaume : bœuf haché au couteau assaisonné de yuzu, œufs de hareng, mimolette, et crème aigre. Clin d’œil de la sommelière, un vin belge accompagne le plat : pinot gris, « Gloire de Duras. »

Des tranches de pain d’épeautre sont apportées comme un plat à part entière, elles sont accompagnées de beurre noisette en pommade recouvert d’un boulghour de chou-fleur au soja.

On continue avec du homard du Canada passé au barbecue, à la cuisson remarquable, et estompé par une généreuse enveloppe de sauce aux crevettes et oursins, ponctuée de quelques sections de petites asperges vertes croquantes.

La construction suivante fait penser à un torii aux montants verticaux de thon rouge, et aux linteaux horizontaux d’une galette de sésame et de lamelles de nori. Passant cette porte un tartare de thon habillé d’une écume de bonite. Deux textures de poisson au goût délicat que vient réveiller le sésame pour le plaisir des papilles.

Le passage du torii nous conduit vers le dernier plat avant les desserts : du chevreuil de Nouvelle-Zélande à la cuisson irréprochable, marié avec de juteuses cerises, quelques mûres, et une purée de pommes au yuzu et à la vanille, et complété d’un jus de chevreuil et d’une écume au beurre noisette. Harmonieux équilibre de saveurs.

Le premier dessert est caractérisé par sa relative simplicité : une quenelle de sorbet à la framboise et au champagne rosé entre deux disques translucides de sucre cristallisé, déposés sur de grosses moitiés de framboises. Frais, léger, peu sucré, et très apprécié des convives.

Avec les thés et cafés, une dernière création : sous un fin disque cacaoté, shiso, crème de fraises noires, et, à part des pralines au mascarpone.

Le Chef, grand, mince, souriant, habillé de noir, nous rejoint. C’est le moment de lui remettre le prix, non sans quelques commentaires enjoués, pour ce déjeuner festif d’un style unique, aux plats structurés ayant fait tourbillonner nos papilles.

Et comme il est toujours difficile de mettre fin à de si belles agapes, un Membre offre des digestifs pour prolonger ce moment d’amitié aux conversations empreintes de gastronomie, d’histoire, de cinéma, de poésie, et, qui l’eût cru, d’humour immobilier.

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10 juin 2023

Sel Gris

Chef : Frederik Deceuninck

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  Commentaire du président

La coïncidence était parfaite : la sortie gastronomique du Club royal des gastronomes de Belgique permettait à ses Membres d’échapper à la chaleur étouffante de Bruxelles ce 10 juin, pour respirer le doux vent marin de Knokke-Heist. Il aura fallu cependant braver les embouteillages, accidents et travaux, consubstantiels, semble-t-il, à la « route de la mer. » Mais une fois sur place, après une centaine de mètres à pied sur la digue ombragée, un copieux apéritif nous attendait dans la très confortable salle en nuances de gris et noir du restaurant Sel Gris.

Sous des cloches de verre, qu’un peu plus tard, dans un ballet synchronisé, le chef Frederik Deceuninck et ses cuisiniers viendront soulever, sont déjà disposés des petits pains décorés d’une purée d’aubergine. La maison sert très généreusement du champagne Mallol-Gantois Grand Cru pour accompagner un fin et croquant panipuri fourré de crabe et d’avocat, des petits harengs (« sprot ») marinés au citron avec des oignons croquants, un goûteux cigare de pâte croustillante garni d’une préparation de langue de porc à la moutarde, etc.

Dégustation du vin – Gruner Veltliner Loibner Ried Steinertal (F.X. Pichler, 2020) – en attendant la première entrée qu’il accompagnera : dans une assiette blanche oblongue, le goût puissant d’une tendreanguille de l’Escaut oriental marbrée de cresson, est balancé par des asperges blanches, quelques radis croquants. À part, dans un œuf en porcelaine richement décorée, faisant penser à un œuf de Fabergé, on découvre une crème de cresson sur une gelée de tamari.

Pour escorter le plat de homard qui sera décliné de trois façons, un Château Carbonnieux (2020) est servi. Première variante : sur un éventail de fines tranches de concombre, trône un cylindre vert croustillant empli de morceaux de homard de l’Escaut et d’un haché de bœuf de Simmenthal. Une petite quenelle de caviar avruga apporte un contraste de couleur saillant. Deuxième variation : une crème épaisse légèrement parfumée d’essence du crustacé sous un dôme en spaghettis coiffé d’un morceau de homard. Troisième variation où l’on retrouve de façon plus nette le goût du homard grâce à un jus plus concentré mais aussi assez pimenté. La cuisson de la pince et de la chair est exemplaire.

On continue sur les crustacés avec une grosse langoustine, à la cuisson sans reproche, déposée sur plusieurs préparations de carotte, d’orange et de fenouil bien assaisonnées au vadouvan. Le Mâcon-Verzé du domaine Leflaive (2019) apporte une agréable fraîcheur à l’ensemble.

En plat principal, les Brigadiers ont retenu du bœuf wagyu. Celui-ci est presque crémeux tant il est naturellement persillé et sa cuisson réussie. La générosité du chef se retrouve dans l’accompagnement complexe aux multiples saveurs et textures : asperge verte, morille, petits pois, flanc d’ail noir, petites crêpes traditionnelles (‘poffertjes’), pointe de cacao dans la sauce... Un pomerol du Château Lapointe (2016) qui méritait, malgré son âge, un carafage accompagne l'ensemble avec succès.

Le Chef vient nous saluer sous les applaudissements habituels à notre Assemblée. Très sympathique et souriant il se prête au jeu des photos avec quelques Membres, dont des habitués.

Dessert en fraîcheur et nuances de jaune pâle, d’onctuosités et de saveurs fruitées -- ananas, shiso, thé hammam – présenté de manière créative et ludique. Conclusion avec une abondance de mignardises gourmandes – dont des boules de Berlin – et une sélection de chocolats ostensiblement présentée.

Épilogue : avant de reprendre la route, des Membres résidant à Knokke nous accueillent pour un verre de l’amitié, dans leur appartement face à la Mer du Nord. Quelle agréable surprise, d’autant plus que le vin servi – un riesling d’Abi Duhr – rappelle un superbe week-end organisé par le Club au Luxembourg l’année passée !

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14 mai 2023

L'Assiette Champenoise

Chef : Arnaud Lallement

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  Commentaire du président

Après une visite doctement commentée des crayères de la maison Veuve Clicquot, puis un passage mémoriel au Musée de la Reddition, les Membres du club royal des gastronomes de Belgique et leurs invités, dont un Membre de l’Académie états-unienne de gastronomie, rejoignent le but de leur escapade rémoise : l’Assiette Champenoise.

En traversant la grande demeure afin de rejoindre un très confortable salon privatisé jouxtant le jardin et une piscine, on pense, pièce après pièce, aux mots du leitmotiv baudelairien de « L’invitation au voyage. »

Face à l’eau bleue dormante, et au vert printanier, nous commençons à déguster un premier champagne de la maison Drémont & fils (Ephémère 018) à la bulle très fine, et plusieurs mises en bouche très délicates : chou-fleur, foie gras, comté, etc. L’épouse du Chef vient nous souhaiter la bienvenue avant que nous soyons accompagnés dans un autre salon capitonné de cuir blanc, dominant le jardin, où une longue table minutieusement dressée nous attend. La brigade de salle se distingue déjà par son amabilité, sa prévenance et sa discrétion.

Champagne Hugues Godmé (Blanc de blancs, Jardins premiers). Premier plat réalisé avec les produits des ruches du parc du restaurant. Contrastes : galette alvéolée ultra croquante servie sur le côté, mousse aérienne à base de cire d’abeilles dont la douceur s’oppose à une gastrique intense stimulant les papilles. Selon les instructions on dépose la galette sur la mousse, et on la casse avant dégustation.

Champagne Hugues Godmé pour continuer sur une asperge verte avec un condiment au citron, complétée, à part, avec un pain brioché feuilleté délicieusement croustillant et moelleux et un velouté d’asperges. Le Chef aime les sauces – nous aussi ! – et plusieurs cuillères de sauce viennent terminer la composition avant que les convives commencent à déguster. On retrouvera le même rituel saucier bienvenu jusqu’à la fin du repas. Des petites casseroles argentées remplies de sauce sont laissées sur la table systématiquement…

Champagne Gamet Rive Gauche. Dans une délicate tartelette, sous un voile de gelée de crabe, on découvre du tourteau de Roscoff émietté et une lisse purée de laitue de mer et de mâche. Une réalisation tout en fraîcheur avec une pointe d’acidité apportée par la sauce préparée avec un bouillon des têtes.

Champagne Colin Castille rosé. On (re)découvre le homard bleu tel que le préparait le Papa du Chef. Une demi-queue écarlate du crustacé tendre et à peine cuite en son centre, une préparation goûteuse à base des pattes, et un jus exquis au goût puissant fait des têtes, pour lequel le pain au levain maison est le bienvenu.

La dégustation de Champagne en filigrane de cette première partie de repas se termine. Après la Champagne, le Val de Loire. Des oignons confits légèrement caramélisés fondants tutoient un épais morceau de barbue où un beurre d’algues a remplacé les arêtes. Un plat électrisé par une sauce au Vermouth et sublimé par un Sancerre de Lucien Cochet (Prestige 2016).

Le Chef Arnaud Lallement et son épouse font leur apparition en salle, l’occasion de les féliciter, pour l’accueil, le service et la cuisine, et de prendre quelques photographies.

Dernier plat avant le fromage, un tendre et juteux tronçon de filet de poularde cuit à basse température, glacé d’une crème poulette, accompagné d’un cannelloni de la cuisse, de quelques champignons de Paris, de trompettes, et d’une chips de la peau de la volaille, et complété d’une émulsion de volaille. Un plat sans fausse note enivré par un vin de Saint-Émilion (Pavillon de Taillefer, 2014) agréable et peu tannique.

Dans la tradition française du fromage-salade en fin de repas, on apprécie un morceau de Comté bien tempéré, avec une gelée au ratafia de champagne et quelques éclats de noisettes torréfiées. Une tartelette de yaourt aux herbes et quelques pousses d’épinards à déguster en même temps que le fromage ou séparément selon les goûts.

Plusieurs mignardises gourmandes sont apportées – dont une mémorable tartelette au café – en attendant le dessert final, frais, léger, tout au citron, et idéal pour terminer ce repas de très haut niveau.

Il reste encore un peu de temps pour prendre thés et cafés sur la terrasse ensoleillée avant de devoir prendre le chemin du retour.

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13-14 mai 2023

Week-end en Champagne


  Commentaire du président

Départ matinal pour les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique ce samedi 13 mai. Destination Reims pour un week-end autour de la gastronomie, bien sûr, et de l’histoire.

Au passage de la frontière, je sers dans l’autocar un verre de Champagne Drappier Brut. On patiente plus facilement en se désaltérant…

Arrivée avec un peu d’avance au Domaine des Crayères. Un Membre de l’Académie états-unienne de gastronomie nous rejoint. Apéritif, au Champagne bien évidemment. Déjeuner rapide, léger et agréable dans la brasserie du domaine : île flottante aux asperges vertes, saumon fumé mi-cuit avec une purée mousseuse de pommes de terre et des choux-fleurs poêlés à l’huile d’olive, et pour finir biscuit tiède chocolat praliné avec une sauce au Marc de Champagne.

Notre autocar nous conduit ensuite au Fort de la Pompelle sous un ciel menaçant. L’orage éclate au moment où nous parcourons à pied les 100 derniers mètres nous séparant de l’entrée du fort. Nous sommes trempés. Notre guide nous remémore les événements ayant conduit à la construction du fort mais aussi à la folie meurtrière de la première Guerre mondiale. Elle est passionnée par le sujet : son grand-père a été réquisitionné. Plus tard elle nous parle du rôle important des femmes dans le conflit. Celui aussi de « l’Armée noire. » On peut également voir d’importantes collections de casques, d’uniformes, et autres objets d’époque. Notre guide nous accompagne ensuite à la chapelle Foujita. Petit bijou de fresques murales de Léonard Foujita représentant différents passages de la vie du Christ, et de vitraux dessinés par le même artiste mais réalisés par Charles Marq. Courte visite mais qui valait le détour.

Arrivée à l’hôtel dans une rue animée du centre de Reims. Marche jusqu’au restaurant Le Millénaire à quelques centaines de mètres. Un nouveau chef et une nouvelle équipe ont repris le restaurant. Pas de menu imprimé. Surprise totale. Nous nous prêtons au jeu jusqu’au bout et demandons à ce que les plats ne soient pas annoncés. Nous essayons de deviner. Réponse après dégustation. Belle ambiance autour d’une grande table ronde. Dîner créatif mais, pour plusieurs, en dessous des attentes.

Le dimanche, après une visite doctement commentée des crayères de la maison Veuve Clicquot, puis un passage mémoriel au Musée de la Reddition, nous rejoignons le but de notre escapade rémoise : l’Assiette Champenoise.


23 avril 2023

Slagmolen

Chef : Giel & Bert Meewis

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  Commentaire du président

Voilà déjà huit ans que Bert Meewis recevait le Prix Cristal du Club pour sa cuisine de haut vol dédiée au répertoire classique. Le restaurant Slagmolen, qui existe depuis plus de trente ans, a récemment été entièrement rénové afin d’offrir plus de place et de confort aux convives et de permettre à Giel, le fils de Bert, de prendre la relève en s’épanouissant dans un nouveau cocon.

Dès l’arrivée les sens sont en éveil. Visuel. Jardin impeccable orné d’œuvres d’arts. Auditif. Calme de la forêt circonvoisine, coupé de chants d’oiseaux. Olfactif. Effluves discrets des cuisines portés par une brise humide.

Les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique et leurs invités se retrouvent dans l’ancienne salle de restaurant, autour d’une grande table oblongue, entre l’ancien mécanisme du moulin et le nouveau bar du restaurant.

Premier moment. Champagne Bollinger en magnum très généreusement servi. Zakouski servis sur de grandes planches de bois clair. « Gougère » au foie gras. Tartelette à la betterave. Nids croustillants aux couteaux. Tomates cerises caramélisées au sésame et au gingembre. Prémices d’un grand repas.

Deuxième moment, tout en fraîcheur et délicatesse tout comme le Feudi di San Gregorio Cutizzi (2021) venant l’accompagner : sur une section épaisse de laitue pommée croquante entourée d’une vinaigrette veloutée de laitue, un petit monticule de crabe tourteau émietté sur lequel le chef vient zester un peu de citron. Saveurs subtiles, délicates et douces avec une touche d’amertume.

Troisième moment : le homard en dés roulés dans une sauce homardine, se retrouve au creux d’un pain brioché, et coiffé de fenouil. Le goût beurré du pain croustillant sur l’extérieur complète la douceur marine du crustacé qu’électrise, en fin de bouche, le piment d’Espelette. L’ensemble est humecté d’un agréable riesling de Georg Breuer (2018).

Quatrième moment. D’abord un verre de champagne Krug grande cuvée 170ème édition. Ensuite une assiette creuse, lisse et blanche au centre de laquelle, on regarde, perplexe, une préparation dissimulée sous un voile blanc, et me faisant penser à une rousquille sous son glaçage. Les chefs reviennent, cette fois-ci pour déposer dans un creux formé au centre du voile, une grosse cuillère de caviar belge. Il ne reste plus qu’à déguster cette délicieuse et classique association de pomme de terre, crevettes grises, ciboulette et caviar, sublimée par la mousse du champagne. Silence.

Cinquième moment. On retrouve les marqueurs de l’asperge à la flamande : asperges blanches, sauce mousseuse au beurre noisette, poudre de persil, jaune d’œuf tiédi. C’est la version 2.0 de Giel Meewis. Une version plus en rondeur, plus intégrée, plus riche. À la place du Côte du Rhône blanc de Lucien Le Moine, prévu, j’ai opté pour un riesling sans alcool de Georg Breuer (« Sans Riesling »), doux, frais et pétillant.

Sixième moment. Visuel marquant. Bandes au dégradé allant du blanc au vert – jeunes poireaux. Rayures jaunes et rouges d’un drap brillant de beurre citronné et de gelée de tomate, enveloppant un filet de rouget barbet à la cuisson exemplaire. Équilibre suave.

Septième moment. Une grosse queue de langoustine décortiquée s’acoquine avec du foie gras et de la betterave rouge. Un plat diabolique où la sauce Albufera embrasse l’iode du crustacé, formant une symbiose que bouscule la rustique betterave. Une assiette de soie sauvage enivrée par un spätburgunder du domaine Neiss (2014) sur la base satinée duquel se déploient élégamment des notes fruitées.

Huitième moment. L’agneau de lait des Pyrénées. Selle et carré. Chair délicate et fondante. Panoufle fine et croustillante. Ail des ours pour son goût plus délicat et mieux adapté à la viande que son homonyme classique. Salicorne croquante et saline. Févettes, petits pois, pommes soufflées. Jus de cuisson corsé. Un sans-faute qu’envoûtait un Château Chasse-Spleen servi avec générosité.

Neuvième moment. Pour les uns, dame blanche dont le restaurant s’est fait une réputation méritée. Pour les autres fraises de belgique préparées : sous un cône irrégulier transparent de sucre rose, une écume de lait éthérée, quelques pistaches et des fraises juteuses. Le chef vient jeter un peu de « sable » au pied du cône.

Dixième moment. Dilemme. Chariot de mignardises. Brownies. Paris-Brest. Tarte meringuée au citron. Tarte à la rhubarbe. Guimauves. Macarons. Nougat. Etc. Difficile de ne pas se laisser tenter.

DixiOnzième ème moment. Alors que les autres convives du restaurant sont déjà partis, Giel Meewis nous retrouve sous des applaudissements mérités doublés d’un commentaire élogieux, avant de nous faire visiter la cuisine où brillent les cuivres et les plaques de cuisson.

Douzième moment. Armagnacs et cognacs offerts par le restaurant. Ne faisant que confirmer cet art de recevoir maîtrisé par la brigade de salle que nous avions pu constater tout au long du repas.

Douze moments de grand art de la cuisine et de la salle.

Carpe momentum.

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18 mars 2023

Comme Chez Soi

Chef : Lionel Rigolet

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  Commentaire du président

C’est une habitude depuis 2015 déjà : chaque année les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique se retrouvent au restaurant Comme Chez Soi pour leur Assemblée générale. Mais les visites du Club sont plus anciennes ! Au début du siècle dernier, le restaurant Comme Chez Soi était répertorié dans le Guide Gourmand 1938 qu’éditait le Club de la Bonne Auberge (l’ancienne dénomination du Club royal des gastronomes de Belgique). À l’époque le guide garantissait « la bonne cuisine, mais pas la bonne humeur du patron. » Aujourd’hui nous avons non seulement la bonne cuisine, mais également la chaleureuse affabilité du patron et de son épouse.

Salle privatisée au rez-de-chaussée avec vue imprenable sur la cuisine au fond. Brigade de salle aux petits soins, notamment les anciens de la maison, Messieurs Duquesne et Buyse. Le Champagne Bollinger active les discussions déjà bien animées après la réunion de travail à l’étage. Passage à table ordonné : banquettes d’abord, chaises ensuite.

Poireau fondant en dégustation. Sa douceur contraste avec une sauce vinaigrée intense et l’ensemble stimule les papilles et met en appétit.

Pour sa première entrée, le Chef Lionel Rigolet a choisi l’huître plate européenne (Ostrea Edulis) élevée à Yerseke aux Pays-Bas dans la région de l’Escaut. Charnue, cuite délicatement, imbibée d’un coulis de chardonnay, son goût iodé est atténué par la présence d’endives confites et de shiitaké. Un toast avec une quenelle de crème aux algues, servi séparément, prolonge le goût marin de l’ensemble. Pour celles ou ceux qui n’apprécient pas les huîtres, les Brigadiers avaient prévu la fameuse sole au Riesling qui figure toujours au grand missel de la Maison presque centenaire.

On continue avec de grosses noix de coquilles Saint-Jacques de Dieppe, décortiquées le matin même, dorées, fermes, et douces. Un tartare très parfumé de crevettes est dissimulé sous un voile croquant saupoudré de curry rouge. Un bouillon au curry rouge peu pimenté crée l’union de la composition et laisse chanter les coquillages et les crustacés sous un air exotique.

Suit un assemblage de savoureux filet de sandre régulièrement marqué au gril, de céleri rave fumé et presque confit et d’une sauce ravigote chaude moutardée. On se demande à première vue comment cet ensemble tonitruant pourrait fonctionner mais la réponse est vite trouvée à la première bouchée. La sauce dans laquelle la câpre et la moutarde font bon ménage, et dont la vigueur est tempérée par le céleri, exalte le poisson. Le Pouilly-Fuissé (Château-Fuissé, Tête de Cuvée, 2018) servi en magnum, a l’attaque fraîche. Sa paisible rondeur contraste agréablement avec le côté légèrement sauvage du plat.

Contrairement au plat précédent, la composition du plat principal ne pose pas de question : ris de veau, truffe, et pomme de terre. Dès l’arrivée des assiettes la chaleur musquée de la truffe dont parlait Diane Ackerman envahit la pièce. Une fine pellicule croustillante forme la surface de la chair lobulée. Impeccablement dénervée, sa cuisson frise la perfection. Une merveille gourmande d’apparente simplicité que vient flatter l’opulence maîtrisée d’un vin de Haut Médoc (Château Sociando Mallet, 2015).

Intermède poétique par notre Membre Silvia Polidori qui vient de publier son deuxième recueil « Il soffio del vento » et nous déclame en trois langues un poème dédié à l’Amour.

Conclusion onctueuse et très, très, chocolatée, au cœur de laquelle on trouve un crémeux au concentré d’un jus issu du mucilage de cacao. Plaisir simple et intense, annonçant déjà la fin proche du déjeuner qui sera complété par thés, cafés, mignardises et quelques cognacs et armagnacs. Mais avant cet épilogue, le Chef et son épouse nous rejoignent et c’est l’occasion de les féliciter pour ce repas remarquable contredisant les conclusions de certains « intermédiaires culturels. »

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12 février 2023

Sir Kwinten

Chef : Glenn Verhasselt

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Les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique se sont réunis pour remettre au Chef Glenn Verhasselt le prix du « Chef de l’avenir. » Un menu original de circonstance avait été mis au point avec le Chef et une belle sélection de vins était proposée par le Sommelier Yanick Dehandschutter.

L’apéritif commence debout dans un beau salon du rez-de-chaussée décoré de bouquets de fleurs fraîches. Tout comme lors de la précédente visite du Club, la brigade de salle se montre très prévenante dès les premières minutes. Le champagne Franck Bonville, Brut, Grand Cru est généreusement servi. Une fois bien installés autour de deux grandes tables carrées les convives découvrent des mises en bouche originales ainsi qu’une sélection de délicieux pains encore tièdes, dont l’un brioché dans lequel le beurre a fait place au saindoux. La tentation est immense.

Un riesling allemand au nez frais et « minéral, » Fürst (« pur minéral » 2018) est présenté pour la première entrée qu’il saura agréablement mettre en valeur. Une langoustine bretonne d’imposant calibre tiédie à la perfection, crémeuse en son centre, repose sur un lit d’écailles croquantes de radis, masquant en partie un disque de tartare de langoustines délicatement parfumé d’agrumes et humecté d’un léger bouillon au crustacé lui-même réhaussé d’une pointe de sauce soja Tomasu. Une troisième préparation de langoustine en mousse crémeuse complète ce grand plat d’extraordinaire finesse mettant harmonieusement en valeur un produit de haute qualité.

Suit une dodue noix de coquille Saint-Jacques de Dieppe, bien marquée au grill, nacrée à cœur, jouxtant une section de courgette farcie de mousse de coquille Saint-Jacques délicatement réhaussée d’œuf de truite. Une sauce mousseuse au yuzu et dashi apporte une légère acidité, contrastant avec la douceur naturelle de la Saint-Jacques, tandis qu’un anneau de soyeuse purée de topinambour à la saveur aussi caractéristique que subtile, complète le savoureux équilibre du plat qu’électrise un élégant vin de Bourgogne de François Carillon (Cuvée 5 Siècles, 2018), élevé plus de deux ans en fûts chêne.

Un vin de Saint-Émilion (Château Villemaurine, 2015), à la suave rondeur, au nez évoquant la réglisse et la mûre, fruité en bouche, généreusement servi en magnum, met bien en valeur les deux plats suivants.

D’abord une pintade de Bourgogne, plat-signature du chef, à la présentation étonnante : comme un ravioli ouvert, un voile de pâte finement strié d’une douce sauce grenat aux baies, d’un jus réduit sirupeux de volaille, et d’une béchamel, masque une savoureuse mousseline de pintade et de tendres morceaux de cuisse. Un plat très goûteux et inédit.

Ensuite un filet de pigeon d’Anjou, à la cuisson précise et régulière, soudé à une mousseline de volaille à la truffe noire chemisée de truffe noire ; composition dont les couleurs font écho aux deux sauces ¬– jus réduit et sauce crémée à la truffe – ajoutées au moment du service de l’assiette. Un plat savoureux d’inspiration classique, à la présentation originale et remarquablement exécuté.

Le Chef qui est déjà venu plusieurs fois afin de s’assurer du bon déroulement du repas, nous rejoint à nouveau et je lui remets avec plaisir le diplôme amplement mérité tout en le complimentant pour la qualité du repas et du service.

Le déjeuner se conclut avec un baba chocolaté imbibé de rhum, fourré d’un praliné noisette, et servi avec une glace au café et une sauce au caramel salé. Une combinaison qui a fait ses preuves, et dont le succès réside dans l’équilibre du dosage de chaque ingrédient. Chacun peut alcooliser à sa guise la préparation grâce un verre de rhum servi sur le côté.

Une série de mignardises dont des cannelés bordelais crémeux et croquants à souhait accompagne thés et cafés et marque la fin d’un remarquable moment à la fois convivial et gastronomique.

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21 janvier 2023

Bozar

Chef : Karen Torosyan

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  Commentaire du président

Après une visite guidée du Palais des beaux-arts qui leur a permis de mieux apprécier les talents de l’architecte Victor Horta, passant par la grande salle de concert et ses coulisses, les salons royaux, pour terminer avec l’excellente – et pourtant peu connue – cinémathèque, les Membres du club royal des gastronomes de Belgique, accompagnés d’amis du Club, se sont retrouvés autour d’une longue table dans une partie semi-privative du restaurant Bozar, où le Chef Karen Torosyan les attendait pour une collection de plats aux saveurs clairement identifiables et à la présentation tirée au cordeau.

Un champagne Deutz Brut Classic généreusement servi accompagne quelques très goûteuses dégustations apéritives d’inspiration traditionnelle. Lavash au romarin en signe de bienvenue. Tartare de bœuf coupé au couteau dans le creux d’une très mince tartelette croustillante recouverte d’un disque croquant au piment fumé apportant une chaleur en fin de bouche. Rondelle épaisse de jambon de Noir de Bigorre en gelée persillée relevé d’une pointe de raifort. Croquette de crevettes cubique à la croûte fine et croquante, au cœur crémeux, anoblie d’une bisque légère de crustacés. Délicieuse brioche feuilletée, « grassement sensuelle, » en forme de cube, sortie du four quelques minutes plus tôt – que certains enrichissent encore d’un peu plus de beurre. Carpe momentum ! Petite baguette de tradition à la grigne régulière et aux extrémités effilées.

On nous présente, avant son entrée au four, le plat principal nommé « granivore » : cylindre aux extrémités hémisphériques revêtu de graines diverses, dont on découvrira plus tard l’intérieur.

Suit, sous un fin voile de délicate gelée servant de support à une quenelle de caviar Dauricus « Caspian Tradition » que le Chef vient déposer délicatement en salle, un émietté de tourteau nimbé d’une crème à l’oseille de couleur vert-olive nappant le fond de l’assiette, et dont l’acidité est équilibrée par la douceur du tourteau et de la gelée. L’ensemble est enivré par un Riesling d’un des villages les plus célèbres de la Sarre, au nez très minéral avec une fraîcheur et une acidité très agréable (Riesling Willinger de Van Volxem, 2019) complétant idéalement celles du plat.

Seconde entrée. Des noix de coquilles Saint-Jacques doucement cuites à la vapeur, dont le goût doucement iodé fait place à celui d’une purée de chou vert dont elles sont fourrées, sont intercalées avec des disques de feuilles de chou et des lamelles croquantes de carottes. Une sauce mousseuse parfumée au lard et légèrement acidifiée au babeurre complète cet ensemble aux saveurs hivernales judicieusement galvanisé par un grave du Château de Respide (Callipyge, 2019).

C’est au tour du « granivore, » création du Chef, probablement inspirée du classique pithiviers de pigeon au fois gras. Ici la tranche nette qui se reflète dans un jus de pigeon corsé très brillant fait apparaître l’architecture du plat, résultat d’un travail de précision et de délicatesse : un triptyque en dégradé de couleurs – rouge foncé de la viande riche en fer du pigeon breton, rose clair du foie gras d’oie, blanc marbré de l’anguille – et de textures – viande maigre et serrée à la cuisson parfaite, foie onctueux, poisson fondant – cerclé de feuilles de chou bien vertes et d’une très fine pâte morte gorgée de graines – lin, tournesol, sésame, millet, pavot, etc. – que la cuisson a torréfiées et rendues plus croquantes. Le goût fumé de l’anguille imprègne délicatement l’ensemble du plat et se marie étonnamment bien avec celui, plus délicat, du pigeon. Chaque élément a la juste cuisson et apporte, note à note, sa contribution distincte, à ce plat original, savoureux, cependant un peu trop copieux pour beaucoup de convives, malgré l’apport rafraîchissant d’une salade de chicorée rouge tardive servie à part.

Un granité émeraude à l’estragon et au fenouil, remet le palais à zéro avec son goût frais et anisé.

Le Chef nous rejoint sous des applaudissements mérités et je le complimente sur le déroulé du repas pendant que le dessert est apporté.

La combinaison chocolat-poire d’Escoffier est revisitée avec l’apport d’une pointe de gingembre et avec une présentation qui évoque une jupe plissée s’envolant en tournant – celle de la Belle-Hélène ? Mirepoix de poires Passe Crassane bien mûres au goût naturellement délicat mais net, liée d’un sorbet délicatement infusé de gingembre, circonscrite dans une mince tuile chocolatée, couverte d’une crème au chocolat au motif solaire ondulé, elle-même sous un disque translucide de sucre. L’ensemble présente un équilibre subtil de saveurs complémentaires et un contraste délicat de textures.

Ce dîner conviviale à l’ambiance amicale se conclut avec cafés, thés, digestifs et champagnes selon les envies de chacun.

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