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Club royal des
gastronomes de Belgique

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Activités du Club en 2023

14 mai 2023

L'Assiette Champenoise

Chef : Arnaud Lallement

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  Commentaire du président

Après une visite doctement commentée des crayères de la maison Veuve Clicquot, puis un passage mémoriel au Musée de la Reddition, les Membres du club royal des gastronomes de Belgique et leurs invités, dont un Membre de l’Académie états-unienne de gastronomie, rejoignent le but de leur escapade rémoise : l’Assiette Champenoise.

En traversant la grande demeure afin de rejoindre un très confortable salon privatisé jouxtant le jardin et une piscine, on pense, pièce après pièce, aux mots du leitmotiv baudelairien de « L’invitation au voyage. »

Face à l’eau bleue dormante, et au vert printanier, nous commençons à déguster un premier champagne de la maison Drémont & fils (Ephémère 018) à la bulle très fine, et plusieurs mises en bouche très délicates : chou-fleur, foie gras, comté, etc. L’épouse du Chef vient nous souhaiter la bienvenue avant que nous soyons accompagnés dans un autre salon capitonné de cuir blanc, dominant le jardin, où une longue table minutieusement dressée nous attend. La brigade de salle se distingue déjà par son amabilité, sa prévenance et sa discrétion.

Champagne Hugues Godmé (Blanc de blancs, Jardins premiers). Premier plat réalisé avec les produits des ruches du parc du restaurant. Contrastes : galette alvéolée ultra croquante servie sur le côté, mousse aérienne à base de cire d’abeilles dont la douceur s’oppose à une gastrique intense stimulant les papilles. Selon les instructions on dépose la galette sur la mousse, et on la casse avant dégustation.

Champagne Hugues Godmé pour continuer sur une asperge verte avec un condiment au citron, complétée, à part, avec un pain brioché feuilleté délicieusement croustillant et moelleux et un velouté d’asperges. Le Chef aime les sauces – nous aussi ! – et plusieurs cuillères de sauce viennent terminer la composition avant que les convives commencent à déguster. On retrouvera le même rituel saucier bienvenu jusqu’à la fin du repas. Des petites casseroles argentées remplies de sauce sont laissées sur la table systématiquement…

Champagne Gamet Rive Gauche. Dans une délicate tartelette, sous un voile de gelée de crabe, on découvre du tourteau de Roscoff émietté et une lisse purée de laitue de mer et de mâche. Une réalisation tout en fraîcheur avec une pointe d’acidité apportée par la sauce préparée avec un bouillon des têtes.

Champagne Colin Castille rosé. On (re)découvre le homard bleu tel que le préparait le Papa du Chef. Une demi-queue écarlate du crustacé tendre et à peine cuite en son centre, une préparation goûteuse à base des pattes, et un jus exquis au goût puissant fait des têtes, pour lequel le pain au levain maison est le bienvenu.

La dégustation de Champagne en filigrane de cette première partie de repas se termine. Après la Champagne, le Val de Loire. Des oignons confits légèrement caramélisés fondants tutoient un épais morceau de barbue où un beurre d’algues a remplacé les arêtes. Un plat électrisé par une sauce au Vermouth et sublimé par un Sancerre de Lucien Cochet (Prestige 2016).

Le Chef Arnaud Lallement et son épouse font leur apparition en salle, l’occasion de les féliciter, pour l’accueil, le service et la cuisine, et de prendre quelques photographies.

Dernier plat avant le fromage, un tendre et juteux tronçon de filet de poularde cuit à basse température, glacé d’une crème poulette, accompagné d’un cannelloni de la cuisse, de quelques champignons de Paris, de trompettes, et d’une chips de la peau de la volaille, et complété d’une émulsion de volaille. Un plat sans fausse note enivré par un vin de Saint-Émilion (Pavillon de Taillefer, 2014) agréable et peu tannique.

Dans la tradition française du fromage-salade en fin de repas, on apprécie un morceau de Comté bien tempéré, avec une gelée au ratafia de champagne et quelques éclats de noisettes torréfiées. Une tartelette de yaourt aux herbes et quelques pousses d’épinards à déguster en même temps que le fromage ou séparément selon les goûts.

Plusieurs mignardises gourmandes sont apportées – dont une mémorable tartelette au café – en attendant le dessert final, frais, léger, tout au citron, et idéal pour terminer ce repas de très haut niveau.

Il reste encore un peu de temps pour prendre thés et cafés sur la terrasse ensoleillée avant de devoir prendre le chemin du retour.

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13-14 mai 2023

Week-end en Champagne


  Commentaire du président

Départ matinal pour les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique ce samedi 13 mai. Destination Reims pour un week-end autour de la gastronomie, bien sûr, et de l’histoire.

Au passage de la frontière, je sers dans l’autocar un verre de Champagne Drappier Brut. On patiente plus facilement en se désaltérant…

Arrivée avec un peu d’avance au Domaine des Crayères. Un Membre de l’Académie états-unienne de gastronomie nous rejoint. Apéritif, au Champagne bien évidemment. Déjeuner rapide, léger et agréable dans la brasserie du domaine : île flottante aux asperges vertes, saumon fumé mi-cuit avec une purée mousseuse de pommes de terre et des choux-fleurs poêlés à l’huile d’olive, et pour finir biscuit tiède chocolat praliné avec une sauce au Marc de Champagne.

Notre autocar nous conduit ensuite au Fort de la Pompelle sous un ciel menaçant. L’orage éclate au moment où nous parcourons à pied les 100 derniers mètres nous séparant de l’entrée du fort. Nous sommes trempés. Notre guide nous remémore les événements ayant conduit à la construction du fort mais aussi à la folie meurtrière de la première Guerre mondiale. Elle est passionnée par le sujet : son grand-père a été réquisitionné. Plus tard elle nous parle du rôle important des femmes dans le conflit. Celui aussi de « l’Armée noire. » On peut également voir d’importantes collections de casques, d’uniformes, et autres objets d’époque. Notre guide nous accompagne ensuite à la chapelle Foujita. Petit bijou de fresques murales de Léonard Foujita représentant différents passages de la vie du Christ, et de vitraux dessinés par le même artiste mais réalisés par Charles Marq. Courte visite mais qui valait le détour.

Arrivée à l’hôtel dans une rue animée du centre de Reims. Marche jusqu’au restaurant Le Millénaire à quelques centaines de mètres. Un nouveau chef et une nouvelle équipe ont repris le restaurant. Pas de menu imprimé. Surprise totale. Nous nous prêtons au jeu jusqu’au bout et demandons à ce que les plats ne soient pas annoncés. Nous essayons de deviner. Réponse après dégustation. Belle ambiance autour d’une grande table ronde. Dîner créatif mais, pour plusieurs, en dessous des attentes.

Le dimanche, après une visite doctement commentée des crayères de la maison Veuve Clicquot, puis un passage mémoriel au Musée de la Reddition, nous rejoignons le but de notre escapade rémoise : l’Assiette Champenoise.


23 avril 2023

Slagmolen

Chef : Giel & Bert Meewis

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  Commentaire du président

Voilà déjà huit ans que Bert Meewis recevait le Prix Cristal du Club pour sa cuisine de haut vol dédiée au répertoire classique. Le restaurant Slagmolen, qui existe depuis plus de trente ans, a récemment été entièrement rénové afin d’offrir plus de place et de confort aux convives et de permettre à Giel, le fils de Bert, de prendre la relève en s’épanouissant dans un nouveau cocon.

Dès l’arrivée les sens sont en éveil. Visuel. Jardin impeccable orné d’œuvres d’arts. Auditif. Calme de la forêt circonvoisine, coupé de chants d’oiseaux. Olfactif. Effluves discrets des cuisines portés par une brise humide.

Les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique et leurs invités se retrouvent dans l’ancienne salle de restaurant, autour d’une grande table oblongue, entre l’ancien mécanisme du moulin et le nouveau bar du restaurant.

Premier moment. Champagne Bollinger en magnum très généreusement servi. Zakouski servis sur de grandes planches de bois clair. « Gougère » au foie gras. Tartelette à la betterave. Nids croustillants aux couteaux. Tomates cerises caramélisées au sésame et au gingembre. Prémices d’un grand repas.

Deuxième moment, tout en fraîcheur et délicatesse tout comme le Feudi di San Gregorio Cutizzi (2021) venant l’accompagner : sur une section épaisse de laitue pommée croquante entourée d’une vinaigrette veloutée de laitue, un petit monticule de crabe tourteau émietté sur lequel le chef vient zester un peu de citron. Saveurs subtiles, délicates et douces avec une touche d’amertume.

Troisième moment : le homard en dés roulés dans une sauce homardine, se retrouve au creux d’un pain brioché, et coiffé de fenouil. Le goût beurré du pain croustillant sur l’extérieur complète la douceur marine du crustacé qu’électrise, en fin de bouche, le piment d’Espelette. L’ensemble est humecté d’un agréable riesling de Georg Breuer (2018).

Quatrième moment. D’abord un verre de champagne Krug grande cuvée 170ème édition. Ensuite une assiette creuse, lisse et blanche au centre de laquelle, on regarde, perplexe, une préparation dissimulée sous un voile blanc, et me faisant penser à une rousquille sous son glaçage. Les chefs reviennent, cette fois-ci pour déposer dans un creux formé au centre du voile, une grosse cuillère de caviar belge. Il ne reste plus qu’à déguster cette délicieuse et classique association de pomme de terre, crevettes grises, ciboulette et caviar, sublimée par la mousse du champagne. Silence.

Cinquième moment. On retrouve les marqueurs de l’asperge à la flamande : asperges blanches, sauce mousseuse au beurre noisette, poudre de persil, jaune d’œuf tiédi. C’est la version 2.0 de Giel Meewis. Une version plus en rondeur, plus intégrée, plus riche. À la place du Côte du Rhône blanc de Lucien Le Moine, prévu, j’ai opté pour un riesling sans alcool de Georg Breuer (« Sans Riesling »), doux, frais et pétillant.

Sixième moment. Visuel marquant. Bandes au dégradé allant du blanc au vert – jeunes poireaux. Rayures jaunes et rouges d’un drap brillant de beurre citronné et de gelée de tomate, enveloppant un filet de rouget barbet à la cuisson exemplaire. Équilibre suave.

Septième moment. Une grosse queue de langoustine décortiquée s’acoquine avec du foie gras et de la betterave rouge. Un plat diabolique où la sauce Albufera embrasse l’iode du crustacé, formant une symbiose que bouscule la rustique betterave. Une assiette de soie sauvage enivrée par un spätburgunder du domaine Neiss (2014) sur la base satinée duquel se déploient élégamment des notes fruitées.

Huitième moment. L’agneau de lait des Pyrénées. Selle et carré. Chair délicate et fondante. Panoufle fine et croustillante. Ail des ours pour son goût plus délicat et mieux adapté à la viande que son homonyme classique. Salicorne croquante et saline. Févettes, petits pois, pommes soufflées. Jus de cuisson corsé. Un sans-faute qu’envoûtait un Château Chasse-Spleen servi avec générosité.

Neuvième moment. Pour les uns, dame blanche dont le restaurant s’est fait une réputation méritée. Pour les autres fraises de belgique préparées : sous un cône irrégulier transparent de sucre rose, une écume de lait éthérée, quelques pistaches et des fraises juteuses. Le chef vient jeter un peu de « sable » au pied du cône.

Dixième moment. Dilemme. Chariot de mignardises. Brownies. Paris-Brest. Tarte meringuée au citron. Tarte à la rhubarbe. Guimauves. Macarons. Nougat. Etc. Difficile de ne pas se laisser tenter.

DixiOnzième ème moment. Alors que les autres convives du restaurant sont déjà partis, Giel Meewis nous retrouve sous des applaudissements mérités doublés d’un commentaire élogieux, avant de nous faire visiter la cuisine où brillent les cuivres et les plaques de cuisson.

Douzième moment. Armagnacs et cognacs offerts par le restaurant. Ne faisant que confirmer cet art de recevoir maîtrisé par la brigade de salle que nous avions pu constater tout au long du repas.

Douze moments de grand art de la cuisine et de la salle.

Carpe momentum.

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18 mars 2023

Comme Chez Soi

Chef : Lionel Rigolet

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  Commentaire du président

C’est une habitude depuis 2015 déjà : chaque année les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique se retrouvent au restaurant Comme Chez Soi pour leur Assemblée générale. Mais les visites du Club sont plus anciennes ! Au début du siècle dernier, le restaurant Comme Chez Soi était répertorié dans le Guide Gourmand 1938 qu’éditait le Club de la Bonne Auberge (l’ancienne dénomination du Club royal des gastronomes de Belgique). À l’époque le guide garantissait « la bonne cuisine, mais pas la bonne humeur du patron. » Aujourd’hui nous avons non seulement la bonne cuisine, mais également la chaleureuse affabilité du patron et de son épouse.

Salle privatisée au rez-de-chaussée avec vue imprenable sur la cuisine au fond. Brigade de salle aux petits soins, notamment les anciens de la maison, Messieurs Duquesne et Buyse. Le Champagne Bollinger active les discussions déjà bien animées après la réunion de travail à l’étage. Passage à table ordonné : banquettes d’abord, chaises ensuite.

Poireau fondant en dégustation. Sa douceur contraste avec une sauce vinaigrée intense et l’ensemble stimule les papilles et met en appétit.

Pour sa première entrée, le Chef Lionel Rigolet a choisi l’huître plate européenne (Ostrea Edulis) élevée à Yerseke aux Pays-Bas dans la région de l’Escaut. Charnue, cuite délicatement, imbibée d’un coulis de chardonnay, son goût iodé est atténué par la présence d’endives confites et de shiitaké. Un toast avec une quenelle de crème aux algues, servi séparément, prolonge le goût marin de l’ensemble. Pour celles ou ceux qui n’apprécient pas les huîtres, les Brigadiers avaient prévu la fameuse sole au Riesling qui figure toujours au grand missel de la Maison presque centenaire.

On continue avec de grosses noix de coquilles Saint-Jacques de Dieppe, décortiquées le matin même, dorées, fermes, et douces. Un tartare très parfumé de crevettes est dissimulé sous un voile croquant saupoudré de curry rouge. Un bouillon au curry rouge peu pimenté crée l’union de la composition et laisse chanter les coquillages et les crustacés sous un air exotique.

Suit un assemblage de savoureux filet de sandre régulièrement marqué au gril, de céleri rave fumé et presque confit et d’une sauce ravigote chaude moutardée. On se demande à première vue comment cet ensemble tonitruant pourrait fonctionner mais la réponse est vite trouvée à la première bouchée. La sauce dans laquelle la câpre et la moutarde font bon ménage, et dont la vigueur est tempérée par le céleri, exalte le poisson. Le Pouilly-Fuissé (Château-Fuissé, Tête de Cuvée, 2018) servi en magnum, a l’attaque fraîche. Sa paisible rondeur contraste agréablement avec le côté légèrement sauvage du plat.

Contrairement au plat précédent, la composition du plat principal ne pose pas de question : ris de veau, truffe, et pomme de terre. Dès l’arrivée des assiettes la chaleur musquée de la truffe dont parlait Diane Ackerman envahit la pièce. Une fine pellicule croustillante forme la surface de la chair lobulée. Impeccablement dénervée, sa cuisson frise la perfection. Une merveille gourmande d’apparente simplicité que vient flatter l’opulence maîtrisée d’un vin de Haut Médoc (Château Sociando Mallet, 2015).

Intermède poétique par notre Membre Silvia Polidori qui vient de publier son deuxième recueil « Il soffio del vento » et nous déclame en trois langues un poème dédié à l’Amour.

Conclusion onctueuse et très, très, chocolatée, au cœur de laquelle on trouve un crémeux au concentré d’un jus issu du mucilage de cacao. Plaisir simple et intense, annonçant déjà la fin proche du déjeuner qui sera complété par thés, cafés, mignardises et quelques cognacs et armagnacs. Mais avant cet épilogue, le Chef et son épouse nous rejoignent et c’est l’occasion de les féliciter pour ce repas remarquable contredisant les conclusions de certains « intermédiaires culturels. »

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12 février 2023

Sir Kwinten

Chef : Glenn Verhasselt

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  Commentaire du président

Les Membres du Club royal des gastronomes de Belgique se sont réunis pour remettre au Chef Glenn Verhasselt le prix du « Chef de l’avenir. » Un menu original de circonstance avait été mis au point avec le Chef et une belle sélection de vins était proposée par le Sommelier Yanick Dehandschutter.

L’apéritif commence debout dans un beau salon du rez-de-chaussée décoré de bouquets de fleurs fraîches. Tout comme lors de la précédente visite du Club, la brigade de salle se montre très prévenante dès les premières minutes. Le champagne Franck Bonville, Brut, Grand Cru est généreusement servi. Une fois bien installés autour de deux grandes tables carrées les convives découvrent des mises en bouche originales ainsi qu’une sélection de délicieux pains encore tièdes, dont l’un brioché dans lequel le beurre a fait place au saindoux. La tentation est immense.

Un riesling allemand au nez frais et « minéral, » Fürst (« pur minéral » 2018) est présenté pour la première entrée qu’il saura agréablement mettre en valeur. Une langoustine bretonne d’imposant calibre tiédie à la perfection, crémeuse en son centre, repose sur un lit d’écailles croquantes de radis, masquant en partie un disque de tartare de langoustines délicatement parfumé d’agrumes et humecté d’un léger bouillon au crustacé lui-même réhaussé d’une pointe de sauce soja Tomasu. Une troisième préparation de langoustine en mousse crémeuse complète ce grand plat d’extraordinaire finesse mettant harmonieusement en valeur un produit de haute qualité.

Suit une dodue noix de coquille Saint-Jacques de Dieppe, bien marquée au grill, nacrée à cœur, jouxtant une section de courgette farcie de mousse de coquille Saint-Jacques délicatement réhaussée d’œuf de truite. Une sauce mousseuse au yuzu et dashi apporte une légère acidité, contrastant avec la douceur naturelle de la Saint-Jacques, tandis qu’un anneau de soyeuse purée de topinambour à la saveur aussi caractéristique que subtile, complète le savoureux équilibre du plat qu’électrise un élégant vin de Bourgogne de François Carillon (Cuvée 5 Siècles, 2018), élevé plus de deux ans en fûts chêne.

Un vin de Saint-Émilion (Château Villemaurine, 2015), à la suave rondeur, au nez évoquant la réglisse et la mûre, fruité en bouche, généreusement servi en magnum, met bien en valeur les deux plats suivants.

D’abord une pintade de Bourgogne, plat-signature du chef, à la présentation étonnante : comme un ravioli ouvert, un voile de pâte finement strié d’une douce sauce grenat aux baies, d’un jus réduit sirupeux de volaille, et d’une béchamel, masque une savoureuse mousseline de pintade et de tendres morceaux de cuisse. Un plat très goûteux et inédit.

Ensuite un filet de pigeon d’Anjou, à la cuisson précise et régulière, soudé à une mousseline de volaille à la truffe noire chemisée de truffe noire ; composition dont les couleurs font écho aux deux sauces ¬– jus réduit et sauce crémée à la truffe – ajoutées au moment du service de l’assiette. Un plat savoureux d’inspiration classique, à la présentation originale et remarquablement exécuté.

Le Chef qui est déjà venu plusieurs fois afin de s’assurer du bon déroulement du repas, nous rejoint à nouveau et je lui remets avec plaisir le diplôme amplement mérité tout en le complimentant pour la qualité du repas et du service.

Le déjeuner se conclut avec un baba chocolaté imbibé de rhum, fourré d’un praliné noisette, et servi avec une glace au café et une sauce au caramel salé. Une combinaison qui a fait ses preuves, et dont le succès réside dans l’équilibre du dosage de chaque ingrédient. Chacun peut alcooliser à sa guise la préparation grâce un verre de rhum servi sur le côté.

Une série de mignardises dont des cannelés bordelais crémeux et croquants à souhait accompagne thés et cafés et marque la fin d’un remarquable moment à la fois convivial et gastronomique.

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21 janvier 2023

Bozar

Chef : Karen Torosyan

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  Commentaire du président

Après une visite guidée du Palais des beaux-arts qui leur a permis de mieux apprécier les talents de l’architecte Victor Horta, passant par la grande salle de concert et ses coulisses, les salons royaux, pour terminer avec l’excellente – et pourtant peu connue – cinémathèque, les Membres du club royal des gastronomes de Belgique, accompagnés d’amis du Club, se sont retrouvés autour d’une longue table dans une partie semi-privative du restaurant Bozar, où le Chef Karen Torosyan les attendait pour une collection de plats aux saveurs clairement identifiables et à la présentation tirée au cordeau.

Un champagne Deutz Brut Classic généreusement servi accompagne quelques très goûteuses dégustations apéritives d’inspiration traditionnelle. Lavash au romarin en signe de bienvenue. Tartare de bœuf coupé au couteau dans le creux d’une très mince tartelette croustillante recouverte d’un disque croquant au piment fumé apportant une chaleur en fin de bouche. Rondelle épaisse de jambon de Noir de Bigorre en gelée persillée relevé d’une pointe de raifort. Croquette de crevettes cubique à la croûte fine et croquante, au cœur crémeux, anoblie d’une bisque légère de crustacés. Délicieuse brioche feuilletée, « grassement sensuelle, » en forme de cube, sortie du four quelques minutes plus tôt – que certains enrichissent encore d’un peu plus de beurre. Carpe momentum ! Petite baguette de tradition à la grigne régulière et aux extrémités effilées.

On nous présente, avant son entrée au four, le plat principal nommé « granivore » : cylindre aux extrémités hémisphériques revêtu de graines diverses, dont on découvrira plus tard l’intérieur.

Suit, sous un fin voile de délicate gelée servant de support à une quenelle de caviar Dauricus « Caspian Tradition » que le Chef vient déposer délicatement en salle, un émietté de tourteau nimbé d’une crème à l’oseille de couleur vert-olive nappant le fond de l’assiette, et dont l’acidité est équilibrée par la douceur du tourteau et de la gelée. L’ensemble est enivré par un Riesling d’un des villages les plus célèbres de la Sarre, au nez très minéral avec une fraîcheur et une acidité très agréable (Riesling Willinger de Van Volxem, 2019) complétant idéalement celles du plat.

Seconde entrée. Des noix de coquilles Saint-Jacques doucement cuites à la vapeur, dont le goût doucement iodé fait place à celui d’une purée de chou vert dont elles sont fourrées, sont intercalées avec des disques de feuilles de chou et des lamelles croquantes de carottes. Une sauce mousseuse parfumée au lard et légèrement acidifiée au babeurre complète cet ensemble aux saveurs hivernales judicieusement galvanisé par un grave du Château de Respide (Callipyge, 2019).

C’est au tour du « granivore, » création du Chef, probablement inspirée du classique pithiviers de pigeon au fois gras. Ici la tranche nette qui se reflète dans un jus de pigeon corsé très brillant fait apparaître l’architecture du plat, résultat d’un travail de précision et de délicatesse : un triptyque en dégradé de couleurs – rouge foncé de la viande riche en fer du pigeon breton, rose clair du foie gras d’oie, blanc marbré de l’anguille – et de textures – viande maigre et serrée à la cuisson parfaite, foie onctueux, poisson fondant – cerclé de feuilles de chou bien vertes et d’une très fine pâte morte gorgée de graines – lin, tournesol, sésame, millet, pavot, etc. – que la cuisson a torréfiées et rendues plus croquantes. Le goût fumé de l’anguille imprègne délicatement l’ensemble du plat et se marie étonnamment bien avec celui, plus délicat, du pigeon. Chaque élément a la juste cuisson et apporte, note à note, sa contribution distincte, à ce plat original, savoureux, cependant un peu trop copieux pour beaucoup de convives, malgré l’apport rafraîchissant d’une salade de chicorée rouge tardive servie à part.

Un granité émeraude à l’estragon et au fenouil, remet le palais à zéro avec son goût frais et anisé.

Le Chef nous rejoint sous des applaudissements mérités et je le complimente sur le déroulé du repas pendant que le dessert est apporté.

La combinaison chocolat-poire d’Escoffier est revisitée avec l’apport d’une pointe de gingembre et avec une présentation qui évoque une jupe plissée s’envolant en tournant – celle de la Belle-Hélène ? Mirepoix de poires Passe Crassane bien mûres au goût naturellement délicat mais net, liée d’un sorbet délicatement infusé de gingembre, circonscrite dans une mince tuile chocolatée, couverte d’une crème au chocolat au motif solaire ondulé, elle-même sous un disque translucide de sucre. L’ensemble présente un équilibre subtil de saveurs complémentaires et un contraste délicat de textures.

Ce dîner conviviale à l’ambiance amicale se conclut avec cafés, thés, digestifs et champagnes selon les envies de chacun.

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